Un engin taillé sur mesure

Entièrement construite avec des accessoires haute performance Harley, la moto est animée par un twin 2 litres tout alu de 130 ch. Le cadre est surbaissé, la fourche inversée et l’ensemble fait moins de 200 kg.
« La position de conduite n’est pas très confortable, concède Pete. Quant à l’absence de frein à l’avant, t’inquiète pas, tu as largement le temps de t’arrêter. Mais surtout, il y a énormément de couple en bas (19 m.kg au maxi) ; alors inutile de tirer les rapports au-delà de 4.500 tr/min sur les intermédiaires, tu manquerais de motricité sur le sel. Pour le reste, il n’y a qu’à souder la poignée ! »

Fort de ce dernier conseil plein de bon sens, me voilà sur la ligne de départ, casque sanglé, visière baissée sous le soleil toujours aussi éclatant. En face, une ligne rigoureusement droite et plate de 8 km matérialisée par des panneaux rouges plantés tous les quatre cents mètres.
Si l’on distingue nettement la cabine du directeur de course à mi-parcours, l’arrivée est en revanche invisible, masquée par la courbure de la terre.
Le feu passe au vert, c’est parti. L’embrayage est camionesque et le moteur tracte extrêmement fort dès le ralenti. Impossible, toutefois, d’ouvrir en grand ? : l’adhérence est proche de celle d’un chemin de terre bien damé et la roue arrière ne demande qu’à patiner. Je passe la cinq en franchissant le cap du premier mile.

La moto doit déjà filer à plus de 200 km/h mais dans cet univers uniformément blanc et sans aucun repère, on n’a aucune impression de vitesse sinon la pression du vent sur les bras bien écartés par le grand guidon. Les irrégularités de la surface qui faisaient sautiller la moto au début sont désormais à peine perceptibles.
Allongé au maxi, j’affine ma position pour tenter de grappiller quelques précieuses fractions de traînée aérodynamique. Fesses pratiquement sur le garde-boue arrière, jambes complètement pliées, corps plaqué contre le réservoir, menton au niveau du compte-tours, la posture est aussi inesthétique qu’inconfortable. Passé la barre des 4.500 tr/min, les fourmillements dans les poignées se transforment en vibrations qui s’amplifient au fur et à mesure que le compte-tours grimpe.

Dans l’idéal, m’a dit Pete, je dois accrocher la vitesse maxi (à 5.800 tr/min) juste avant de franchir l’entrée du mile chronométré. La situation à bord est devenue franchement intenable et je me demande si je vais y parvenir ? : le moteur vibre tellement qu’il écarte les mains du guidon et j’ai toutes les peines du monde à maintenir la poignée d’accélérateur vissée à fond.
Jamais vu une moto vibrer autant ! Il va être long, finalement, ce run…
À hauteur de la cabine du directeur de course qui marque le milieu de la zone chronométrée, j’ai la main droite en feu, je ne vais jamais tenir ! La sortie arrive enfin, comme une délivrance… Je n’ai jamais été aussi heureux de lâcher une poignée de gaz.

Retour au paddock

Manifestement, le run a été rapide et toute l’équipe attend le chrono avec impatience. L’apprenti frenchie aurait-il osé battre le maître ? Verdict : 155 mph (250 km/h), soit 11 miles de mieux que Pete ! Les commentaires vont bon train dans l’équipe et je ne sais plus où me mettre. Piqué au vif, Pete reprend la moto dans la foulée : 153 mph. C’est pas son jour ! Tous ses potes sont morts de rire. Ça va chambrer sec à l’apéro…
Mais c’est ça l’esprit des records de vitesse, ce qui motive tous ces pilotes et leurs équipes à passer une semaine en plein désert : faire mieux que les copains.

Des streamliners à plus de 500 km/h

Mais la grande curiosité de Bonneville reste sans conteste les streamliner, des machines capables de dépasser les 500 km/h. Le record actuel est détenu depuis octobre 2004 par Jim Odom sur Ack Attack à 528 km/h. Les accidents avec les streamliner ne sont pas rares. Lors d’une tentative de record l’année dernière, Jim Odom a ainsi vu l’avant de son stream vibrer puis se soulever à plus de 430 km/h. L’engin s’est ensuite couché et a glissé sur plus d’un kilomètre malgré le parachute de secours.

Le vent comme ennemi

Bref, ces engins sont tout sauf faciles à conduire. Le pilote est allongé au fond d’un cockpit surchauffé, engoncé dans une combinaison ignifugée et sanglé par un harnais 6 points, avec pour commandes des manches à balai de type aviation. La phase la plus dangereuse reste le freinage. À 500 km/h, les freins classiques sont inefficaces. Il y a donc trois parachutes à bord. Le frein mécanique sur la roue arrière ne sert que pour s’arrêter complètement. L’ennemi absolu est le vent latéral. En effet, si le pilote libère le parachute dans ces conditions, l’arrière du stream est tiré sur le côté et le crash est inévitable. Tout l’art est donc d’ouvrir au bon moment, sans oublier qu’un tel engin lancé à plus 400 km/h s’arrête « naturellement » sur près de 10 km ?!

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