À la Découverte de l’Éthiopie avec le moto club local
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À la Découverte de l’Éthiopie avec le moto club local
Deuxième pays le plus peuplé du continent africain et seul à n’avoir pratiquement jamais été colonisé, l’Éthiopie, l’ancienne Abyssinie, est le royaume de l’inattendu. C’est avec l’unique moto-club local, les Gelada Riders, que nous sommes partis à sa découverte. Un voyage différent et inoubliable.
La forte médiatisation mondiale de la famine qui frappa le pays dans les années 80 a certainement contribué à réduire l’Éthiopie à un cliché de contrée aride et désolée. En réalité, entre le terrible désert du Danakil au nord-est et le territoire de l’Ogaden, à la frontière avec la Somalie, plus de la moitié du pays est composé de hauts plateaux fertiles. Sans oublier la formidable vallée du Rift où l’on trouve une faune et une flore uniques au monde… « L’Éthiopie est riche d’une grande diversité culturelle, religieuse, historique et géographique », nous avait prévenus avant notre départ Simone, le président de l’unique moto-club du pays, les Gelada Riders, que nous avons rencontré par hasard et « au culot » sur Internet.
« Vous verrez vous-mêmes comment les paysages changent d’une région à l’autre, la différence entre les ethnies Afars, Amharas, Oromos, Somalis ou Welaytas. Vous serez fascinés par les églises de Lalibela, la grandeur des monts Simien, la splendeur des couvents orthodoxes du lac de Tana ou par ceux du Tigré… » Avec trois semaines de vacances devant soi et la possibilité unique de disposer de leurs motos (et de leur expérience) pour découvrir une partie du pays, il ne reste plus qu’à trouver un billet pour Addis-Abeba.
En images
S’agissant du visa, une fois n’est pas coutume en Afrique, il suffit de le demander directement à l’arrivée dans l’aéroport, pour la modique somme de 15 euros !
Un moto-club pas comme les autres Simone Ferrari, malgré son nom italien, est un Éthiopien. Il est né et a toujours vécu ici. Son père est venu d’Italie, la seule nation qui a réussi à envahir l’Éthiopie pendant quelques années avant la Seconde Guerre mondiale. C’est Simone qui, avec ses copains Izhar, Ambra, Yacob, Christophe et Carlo, décide de fonder en 2008 l’association motocycliste des Gelada Riders (Gelada est le nom que l’on donne aux singes endémiques qui vivent dans les hautes parois des monts Simien). « L’association avait pour but de réunir toutes celles et ceux qui pratiquent la moto à Addis-Abeba et dans les alentours, une vingtaine de personnes en tout. Mais aussi de se rencontrer, échanger nos compétences mécaniques et de faire du tourisme à moto. Ici en Éthiopie, il n’y a pratiquement pas de motos et encore moins de mécaniciens. Quant aux pièces de rechange ou aux pneus, il faut les importer d’Europe ou de Turquie à un prix exorbitant. »
Dans le groupe, on trouve des garçons et des filles originaires des différents pays qui travaillent pour des ONG, dans les ambassades ou comme professeurs dans des écoles. Mais la majeure partie des membres est originaire d’Éthiopie. Côté motos, les trails et enduros sont majoritaires : Africa Twin, Yamaha XT, Honda XR et même KTM 690. « Ici, nous explique Flavio, 5 % des routes seulement sont goudronnées et ces motos, ce sont les seules à pouvoir se déplacer dans le pays. » C’est ce garçon, fils d’une Éthiopienne et d’un Italien, qui a réussi à importer avec beaucoup de tracasseries administratives quelques KTM, et qui organise des tours en Éthiopie avec son association Africa Riding Adventures Tours (lire encadré). C’est aussi grâce à lui que notre découverte de l’Éthiopie a été possible.
Lors de notre rendez-vous pris dans un bar de la plus grande avenue d’Addis-Abeba, c’est encore lui qui nous explique comment s’organise notre sortie vers le lac Langano. « Comme pour mes raids, on part toujours avec un 4x4 d’assistance pour transporter essence, outillage, quelques pièces de rechange et du matériel médical de premier secours. En dehors de la capitale, on ne trouve presque rien. Il faut savoir réparer une crevaison, une petite panne mécanique, mais aussi être capable de dispenser des soins. »
Addis-Abeba surprend, le reste enchante Un séjour à Addis-Abeba exige une petite période d’acclimatation car la capitale éthiopienne est perchée à plus de 2 500 m d’altitude, comme pratiquement les trois quarts du pays. Nous en profitons pour visiter le fameux Mercato, le quartier Piazza, le quartier des bijoutiers, ainsi que la gare construite par les Français qui est le départ d’un long périple en train jusqu’à Djibouti. C’est une ville très animée le soir, entourée de forêts mais aussi de bidonvilles, avec ce que cela comporte de mendiants et d’enfants qui traînent dans les rues… Même si on est dans la corne orientale de l’Afrique, que le peuple d’ici ne ressemble à aucun autre sur le reste du continent et que la religion est orthodoxe, impossible de ne pas se pencher à nouveau sur la condition humaine, comme à chaque fois que l’on voyage sur le continent africain.
Un trafic chaotique En sortant de la ville, vers Dabra Zeit, Nazareth et le lac Langano, on retrouve en revanche une Afrique plus familière, avec tout le chaos que cela suppose. Plus de 80 % du pays vit d’agriculture et de commerce. L’activité qui règne sur l’unique route qui descend vers le sud est incroyable. Il faut affronter un trafic dense, avec des camions d’un autre âge, des charrettes tirées par des bœufs, des piétons… Mais le goudron ne dure que quelques kilomètres, ensuite, c’est la piste à perte de vue, poussiéreuse et imprévisible : nuées d’enfants sortant de nulle part lors des traversées des villages, animaux vagabonds et gens qui marchent, qui marchent et marchent encore. Dans aucun autre pays du monde on ne voit autant de gens marcher. Parfois, la piste est pratiquement impraticable à cause des énormes ornières creusées par l’eau pendant la saison des pluies. On roule alors presque au pas et en position debout, pour voir le plus loin possible. Les paysages, quant à eux, ne cessent de changer et après chaque col franchi, c’est une nouvelle immensité qui surgit, encore plus majestueuse que la précédente.
Plus loin, dans la région du lac de Tana, vers Lalibela, dans les montagnes du Tigré ou dans le parc national du Simien, cette grandeur, selon Simone, est encore plus perceptible. Nous n’en goûterons les charmes que lors de virées de quelques jours avec les motos de l’agence de Flavio. Le reste du temps, nous emprunterons les transports locaux. Une autre expérience, unique elle aussi, qui ouvre sur les rencontres et met à rude épreuve le temps des pendules tant les distances à parcourir apparaissent interminables.
Un pays à découvrir Notre balade autour du Rift continue tant bien que mal, et le rythme, pourtant tranquille, est dur à tenir. Est-ce l’altitude, le stress ou le dépaysement total qui font que les heures qui passent sont toujours plus difficiles ? Noël approche et ici c’est la saison sèche. Et à 18 heures, c’est la nuit. Nos compagnons de route, eux, sont habitués à ces conditions parfois très rudes… Nous pas ! Robel, le moins expérimenté du groupe mais certainement le plus drôle, ne cesse de tomber avec sa XT 600 tandis que Carlo et Ambra galèrent avec leur Toyota pour rester au contact. Les crevaisons à répétition dues aux nombreuses épines, ou les petites pannes de ces machines pas toujours fraîches, sont en tout cas l’occasion d’une halte toujours joyeuse. Dans le petit restaurant d’un village sur les montagnes qui bordent le lac Longano, on se dit qu’on a de la chance de vivre des moments pareils avec des gens d’ici. Comme partout, la passion de la moto est un véritable vecteur d’échange et d’amitié. Difficile de ne pas rêver non plus à l’évocation du lac de Tana, des sources du Nil Bleu, du désert volcanique du Danakil ou de la ville d’Harar (là où vécut un certain Arthur Rimbaud) comme prochaine destination. Et on en arrive tous à la même conclusion : l’Éthiopie est à découvrir vite, avant que la destination ne devienne la proie des voyagistes.
Actuellement, avec les événements en Libye ou en Syrie, c’est un pays quasi impossible à rejoindre à moto et il faudra recourir aux services de l’unique agence qui propose des tours en 2-roues. Certes ce n’est pas donné (voir encadré p. 101), mais cela permet de visiter le pays en moins de temps, en toute tranquillité et surtout, c’est de l’argent qui reste dans le pays car il s’agit d’une agence locale.
Climat
La meilleure saison va de novembre à mai. Le reste du temps, c’est la saison des pluies. Le mois d’octobre est aussi très beau car les hauts plateaux sont verts, mais le risque de pluie est présent. La récolte du blé local, le tef, se fait en décembre. En ce qui concerne la température, on peut aller de l’extrême chaleur dans le désert du Danakil (40 °C) aux nuits très fraîches des monts Simien, en passant par le climat chaud et humide à la frontière avec le Kenya. Mais dans le Nord, incontournable à notre avis, on trouve à cette période 20 degrés le jour et 10 la nuit. Il faut savoir que l’on évolue toujours à plus de 2 000 mètres d’altitude, avec des pics à plus de 3 500 mètres.
Heure
La journée éthiopienne se divise en deux fois 12 heures au lieu de 24 heures comme chez nous. Elle commence à 6 heures du matin (à 6h il est donc 0h, à 7h il est 1h, etc.) et se finit à 6 heures du soir pour recommencer une autre phase. Important à savoir quand on emprunte les transports locaux : « le bus de 9h » est en effet à 15h de l’après-midi !
Santé
Si l’altitude préserve la capitale du paludisme, elle nécessite une petite acclimatation de deux ou trois jours pour faire son stock de globules rouges. Le reste du pays, de Gambela à la frontière avec le Kenya, est en revanche classé zone 3 par l’OMS en ce qui concerne le paludisme. La seule vaccination obligatoire est la fièvre jaune.
Manger
Dans l’Éthiopie des hauts plateaux, on mange très bien et pratiquement tout y est encore « biologique ». L’agriculture n’est pas du tout mécanisée et les pesticides inexistants. L’Éthiopie est aussi le pays africain qui possède le plus grand nombre de bêtes d’élevage et la viande est excellente. Le plat typique est l’injera, une grande galette faite avec de la farine de tef et garnie au centre par des légumes, de la viande et des épices. Le café local est aussi l’un des meilleurs au monde.
Dormir
Addis-Abeba dispose d’hôtels de classe internationale (car c’est dans cette ville qui se trouve le siège de la Communauté africaine). On en trouve aussi de bon standing dans les villes touristiques comme Lalibela, Gondar, Harar ou Axum, mais pour le reste, il faut se contenter de petites chambres parfois sans eau chaude… ni draps ! L’idéal est alors d’apporter un « sac à viande », que l’on trouve dans les magasins de sport.
Budget
Le prix de l’avion depuis Paris varie entre 500 et 700 euros selon la compagnie et la période. Sur place, pour manger, dormir et se déplacer, compter entre 30 et 50 euros par jour selon vos besoins.
Guides
Le meilleur guide et surtout le plus à jour est le Lonely Planet (en anglais, la seule langue étrangère parlée ici), même si à notre avis il vous fait voyager comme les autres touristes, toujours dans les mêmes lieux et dans les mêmes restaurants. En français il y a le Petit Futé, mais lors de notre voyage il n’était pas du tout à jour.
L’Éthiopie à moto
Venir à moto est actuellement impossible à cause des événements arabes et à ce jour, nous ne connaissons pas de liaison maritime entre l’Europe et l’Égypte. Quant au coût d’expédition des motos par avion ou par bateau, il est prohibitif. La bonne formule est celle de contacter Flavio à Addis-Abeba qui vous proposera, selon ses disponibilités, un tour de 15 jours pour découvrir le pays. Il faut s’y prendre bien à l’avance car il dispose d’un parc moto limité. Il est importateur KTM et dispose actuellement (2010) de plusieurs 640 LC4 Enduro, 690 LC4 Enduro, 690 R LC4 Enduro et 525 XC Desert Racing. Tous les voyages se font avec un 4x4 d’assistance et il faut compter 3 500 E pour un tour de 15 jours. Ceci comprend la moto, le guide, l’assistance mécanique, le transport des bagages, les repas et les hôtels. Plusieurs itinéraires sont possibles, mais la traversée du pays Amhara et du Tigré dans le Nord est à privilégier : les paysages y sont grandioses et les échanges avec les locaux, riches. Ce tour traverse l’Éthiopie la plus caractéristique : le lac Tana, les sources du Nil Bleu, Gondar, le parc national du Simien, Axoum, Mekele, Lalibela, Bati et son marché, Dabra Birhan ; et il a l’avantage de ne pas être réservé aux seuls enduristes chevronnés.