Comparatif Aprilia 850 Mana / Buell XB9-SX / Triumph 675 Street Triple / Kawasaki Z 750 (2008)
Recherche
Comparatifs
Comparatif Aprilia 850 Mana / Buell XB9-SX / Triumph 675 Street Triple / Kawasaki Z 750 (2008)
Une moto-scooter face à de vrais roadsters : quand certains constructeurs misent sur la performance ou les sensations, d’autres privilégient l’aspect pratique. C’est cette démarche qu’a suivie Aprilia avec la 850 Mana, une « motomatique » qui prend le marché du roadster à contre-pied et concurrence du même coup les gros scooters. Pour prendre la mesure de cette nouvelle venue, nous l’avons comparée à trois roadsters de conceptions diverses.
Ne nous voilons pas la face : pour la plupart d’entre nous, la pratique de la moto se décline moins souvent sur le mode « bonnes bourres entre potes sur petites départementales viroleuses » qu’en un « moto-boulot-dodo » quotidien et laborieux composé de courts trajets, de parties de saute-voitures, de remontées de files et d’embouteillages. Dans ces conditions, qui n’a pas un jour lorgné vers les gros scooters, leur facilité d’emploi doublée d’une foultitude d’aspects pratiques, et leur transmission automatique !
Où est le bonheur, en effet, de monter six rapports au feu vert pour les redescendre 200 m plus loin ? Pour échapper à cette manœuvre fastidieuse, les motards que nous sommes devions jusqu’à présent opter pour un gros scooter (voir l’encadré 650 Burgman contre Mana) à l’image 100 % plastique et à la position de conduite « pieds en avant » qui ne font pas franchement l’unanimité auprès des amateurs de belles mécaniques. Avec la 850 Mana, Aprilia tente donc le mariage de la carpe et du lapin et vise pour le coup assez juste.
En images
Ce roadster pratique s’appuie donc sur le bouillant propulseur développé conjointement pour le gros scooter Gilera GP 800. Béquillée dans le hall du journal, elle a, grâce à son look agréable, suscité les éloges des membres de la rédaction. Son bicylindre, avec un cache plastique qui reproduit les ailettes de refroidissement sur le cylindre avant, rivalise esthétiquement avec les autres twins du marché. La fourche inversée profite des flatteurs étriers à montage radial et le bras oscillant reprend le look « banane » cher à certaines sportives. La finition n’est guère critiquable et chacun salue l’astucieux coffre, à l’emplacement habituel du réservoir, indétectable une fois fermé. Finalement, seul le bâti arrière de cette italienne paraît massif en raison de la présence du vrai réservoir de carburant.
Face à elle, des roadsters plus classiques fourbissent leurs armes : celle de l’originalité pour la Buell XB9-SX City Cross, qui se montre aussi étonnante que vivante. Elle a délaissé toute velléité pratique pour se consacrer pleinement aux sensations, avec notamment un moteur « longue course », une partie-cycle hyper compacte et une déco fun avec une carrosserie translucide.
La polyvalence, ensuite, pour la Kawasaki Z 750, malgré des aspects pratiques limités (pas de place sous la selle pour l’antivol). À son crédit, une hauteur de selle raisonnable, un 4-cylindres docile et un design branché. Elle s’adresse sans complexe à tous et y réussit puisqu’en France elle caracole en tête des ventes de motos. Quant à la dernière du groupe, elle fait sensation depuis son arrivée en juillet 2007 : les concessions sont tout simplement en rupture de stock. Argument massue de la Triumph 675 Street Triple : un trois-cylindres aussi rageur qu’attachant issu de la sportive Daytona. Sa partie-cycle est sérieuse de conception mais simple, ce qui lui permet d’afficher un tarif intéressant, même si la forte demande a récemment fait grimper son prix de 200 euros.
Prise en main : une italienne accueillante
Une publicité automobile des années 80 annonçait : « C’est plus Zamuzan en Z ! » Eh bien c’est un slogan qui ne conviendrait guère à la Kawa s’agissant du chargement. En effet, pas de poignée passager pour fixer le sac à l’arrière. Un défaut qu’elle partage d’ailleurs avec la Triumph et la Buell. Heureusement, le réservoir en acier de la japonaise permet l’utilisation d’une sacoche magnétique. La Mana fait mieux sur le sujet – on peut aussi charger le coffre – mais 200 m plus loin, il faut déjà enlever le sac de selle pour faire le plein car le réservoir de carburant se trouve en dessous.
Dès les premiers tours de roue, une grosse « drache » nous oblige à enfiler les combinaisons de pluie. Ainsi engoncés, nous nous disputons la Z 750 et la Mana : elles sont plus accueillantes avec une position de conduite plus droite, bénéficient d’un meilleur rayon de braquage et d’un moteur facile d’emploi. Sans parler de « l’automatisme » de l’italienne qui fait merveille en ville. Plus besoin de jouer de l’embrayage pour se faufiler dans les bouchons. Derrière, on fait grise mine : les leviers de la Triumph et de la Buell sont éloignés du guidon. En outre, les rétros (surtout ceux de l’américaine) vibrent à chaque accélération. Pas facile dans ces conditions de se sentir à son aise dans le mouvant magma du périphérique parisien.
Moteur : vive la boîte !
Passé le péage de Fontainebleau, le petit groupe prend la direction du site archéologique d’Alésia, en Côte-d’Or, pour une petite visite à la statue de Vercingétorix. Clin d’œil : l’italienne saura-t-elle repousser les assauts de ces roadsters bien campés sur leurs qualités ? Sur l’autoroute, on comprend que le siège n’est pas franchement gagné. Si le twin ronronne gentiment à 130 km/h, la transmission automatique génère des vibrations dans les repose-pieds, placés d’ailleurs trop en avant. Un phénomène agaçant à la longue. Sur la Triumph et la Kawasaki, l’isolation est plutôt réussie à ces régimes élevés : 6 800 tr/min.
Quant à celui de la Buell, il ronronne à 4 500 tr/min sans occasionner de gêne particulière. Après l’ennuyeux et coûteux ruban à panneaux bleus pointent les départementales et leurs reliefs tourmentés. Branchée sur le mode touring, la Mana ouvre la route et avale les courbes avec aisance en offrant de bonnes relances. Mais on finit quand même par s’ennuyer un peu, alors d’une simple pression du pouce au commodo on enclenche le mode sport.
Et là, le 850 chante avec entrain et surpasse le 1200 de la Buell à l’accélération. Une belle charge de cavalerie ! Cela étant, le plaisir de jouer avec la boîte manque quand les épingles s’enchaînent, d’autant que la transmission « lâche » la moto aux abords des 30 km/h à la décélération (plus de frein moteur), obligeant à bien la tenir au frein avant de remettre les gaz. -En mode manuel, les 7 « rapports » peuvent se passer avec l’index et le pouce ou le pied ; une alternative qui permet de s’impliquer un peu plus dans la conduite mais sans le charme d’une vraie boîte.
La mécanique de la Buell, elle, en a décontenancé quelques-uns. Avec son inertie liée à sa conception longue course et sa plage d’utilisation réduite (de 4 000 à 7 000 tr/min), elle n’est pas simple à exploiter. À cela s’ajoute une boîte de vitesses un peu rétive et des vibrations à la louche qui finissent par déboussoler. En revanche, les amateurs de mécanique décalée apprécieront sans modération.
A contrario, au guidon des Kawa et Triumph, on profite de bouilleurs vivants et rageurs au fonctionnement tout à fait convenu. Utilisables de 1 500 à 12 000 tr/min, ils permettent de choisir la façon de bondir d’un virage à l’autre. Agréable, d’autant que les boîtes de vitesses officient avec rigueur et rapidité. -Question performances, les 3 et 4-cylindres marchent nettement plus fort que nos deux twins et permettent un roulage vraiment rapide si l’on s’applique un peu. La Triumph décroche tout de même la palme du moteur le plus enthousiasmant. C’est dit.
Comportement : la Street assure
Pour 2008, pas de miracle chez les « verts », la Z 750 est toujours à la peine sur revêtement dégradé. La moto y encaisse mal les chocs et se désunit, même si l’on ferme l’hydraulique de l’amortisseur (détente). C’est malheureux car son guidage ne nécessite pas d’effort sur le guidon. Derrière, la Buell demande de l’expérience pour affronter les petites routes. Si la Kawa remue du postérieur, l’XB9-SX frétille du train avant sur les bosses. Un phénomène nettement plus impressionnant qui peut décourager les motards les moins aguerris. Pourtant, sa garde au sol est excellente et son guidage facile grâce au généreux bras de levier offert par le large guidon.
Du côté de la « motomatique », on note une réticence à l’inclinaison. Il faut donc forcer sur les demi-guidons pour la mettre sur la trajectoire, même si l’usure à 30 % du pneu arrière participe au phénomène. Une fois sur l’angle, il faut composer avec une garde au sol modeste et une partie-cycle qui se voit malmenée sur les bosses. La Mana tend à se relever sur les chocs, un trait de caractère que l’on retrouve au freinage. En revanche, quand le bitume est lisse, la Mana se comporte parfaitement.
Côté anglais, on a fait dans le sérieux malgré une fourche dépourvue de réglage. Le conducteur se surprend à entrer fort en courbes tant son train avant est facile à placer. Pour encaisser les bonnes performances du 3-cylindres, le cadre et les suspensions ont été largement dimensionnés. Aussi la Street assure-t-elle sur tous les revêtements, même si l’arrière marque le pas quand les déformations se font plus sérieuses. Une belle transition pour aborder le confort.
« Mais ce n’est pas une selle, c’est un IPN ! » Éric fait un peu la tête en fin de journée quand vient son tour de chevaucher la Kawasaki. Derrière, la Street Triple fait légèrement mieux, même si la fermeté du couple selle/suspension a été retenu. La Mana, de son côté est s’affirme bonne pour le service quotidien et honore la réputation de la marque en matière de confort de selle. Large et copieusement garnie, elle permet de rouler des heures sans souffrir. Quant à la Buell, si certains la délaissent pour sa partie-cycle exigeante et son moteur atypique, d’autres se font un plaisir de la chevaucher tant la distance selle/repose-pieds est appréciable et la selle épaisse. Une vraie Gold !
Côté freinage enfin, toutes répondent présent. On peut pinailler sur le manque de feeling du monodisque de la Buell, le freinage ABS légèrement spongieux de la Kawa ou la brutalité des étriers radiaux de la Mana, mais tous les systèmes se montrent à la hauteur. On regrette tout de même l’absence d’ABS sur l’Aprilia, une machine où l’on n’utilise pas le frein moteur et sur laquelle un antiblocage devient quasi obligatoire.
Verdict
L’Aprilia 850 Mana est une machine bien conçue, bien finie et qui rend des services dont aucun des autres roadsters du plateau ne peut se targuer, tels le grand coffre du faux réservoir qui accueille un casque intégral en taille 60, la selle passager de bonne facture qui permet de rouler à deux et une transmission automatique performante et super utile en ville, malgré les vibrations. Mais son utilisation sur route est ennuyeuse à la longue, surtout quand l’on doit suivre un groupe de copains qui « n’amusent pas le terrain ». On n’hésitera alors pas à se mettre en mode manuel pour pimenter un peu le roulage et prendre plus part à l’exercice de la conduite. En revanche, son prix de 9 180 euros peut faire hésiter.
Craquer pour la Buell XB9-SX qui frise les 10 000 euros exige une réelle adoration pour la belle. Joueuse, soit, elle se montre aussi délicate à conduire avec un train excessivement vif. Un roadster exclusif aux antipodes de la Mana sans aspect pratique et rétif au duo. Chez Kawasaki, on sabre le champagne depuis deux ans avec le bon élève Z 750. Affichée à 7 180 euros, elle offre un rapport sensations/prix très avantageux même si le millésime actuel surfe sur l’aura du précédent modèle, plus rigoureux en matière de comportement routier.
Malgré un moteur efficace et un look moderne, la Z déçoit sur les petites routes. Pour 600 euros de plus, on peut en s’offrir un roadster au caractère efficace, rageur et valorisant : la Triumph Street Triple. Un vrai régal vrai à conduire pour 7 790 euros. Mais au moment d’aller boire un coup en terrasse ou de faire une balade, seul un faux scooter au look et aux performances de moto vous évitera de trimballer votre casque…
Avec la participation de Chantal Leca, Jean-Luc Danglades et Eric Lacoste
Commandes La garde de tous les leviers de frein est réglable par molette. Tous les embrayages sont commandés par de simples câbles. Le réglage de la garde nécessite alors quelques outils. Rétroviseurs Du très moyen (pour la Kawasaki et l’Aprilia) au médiocre pour les deux autres. Ceux de la Buell vibrent à loisir et ceux de la Triumph sont un peu petits. Tous reflètent généreusement les coudes. Béquilles Aucune de ces montures n’offre de centrale. Les ergots de la Triumph et de la Kawa s’attrapent assez facilement avec le talon, celui de la Buell est caché sous le gros carter. Sur la Mana, il se niche entre le repose-pied et le sélecteur. Bagages et antivol Les U sont condamnés à se loger dans les sacoches réservoir (magnétique sur la Kawa et la Triumph) car on ne met rien sous les selles, sauf sur la Mana dont le coffre accepte un U format court. Question arrimage, des petits tétons permettent d’accrocher son tendeur sur la Mana. Sur les 3 autres, on doit se contenter des repose-pieds. Carburant Très facile sur la Street et la Z grâce à un bouchon accessible et monté sur charnière. Sur la Buell, le remplissage est aisé, mais le bouchon doit se poser sur la pompe. Chez Aprilia, il faut soulever la selle pour accéder à l’orifice de remplissage. Pas franchement pratique.
ENTRETIEN COURANT
Huile moteur Niveau par hublot sur Kawa et l’Aprilia. Sur la Buell (photo 2) et la Triumph, un bouchon jauge (moto sur la béquille pour l’américaine) permet le contrôle. Une technique précise mais salissante. Chiffon indispensable.
Batterie et fusibles Très accessible sur la Triumph, sous une selle toutefois difficile à extraire. Idem sur la Kawa, mais l’accès à la batterie exige la dépose d’une petite platine en acier. Sur la Mana, il faut ouvrir le coffre et démonter la trappe (2 vis) pour découvrir la pile et les fusibles. Sur la Triumph (photo 3), les fusibles sont sous le réservoir (2 vis).
Tension de chaîne La honte pour Kawa et son vilain système par roue tirée. La Triumph et l’Aprilia (photo 4), elles, friment avec leur réglage par roue poussée. Une béquille d’atelier est nécessaire pour les trois motos, sauf pour la Buell, à courroie. Réglage des suspensions Triple et aisé sur la City Cross pour la fourche et le mono-amortisseur. Double sur la Mana, mais uniquement sur l’amortisseur (détente et précharge du ressort). Simple sur la Triumph (précharge de l’amortisseur). Quant à la Kawa, malgré une intervention possible sur la précharge et la détente (fourche et monoamortisseur), les réglages restent peu sensibles.
Duo
Les essayeurs applaudissent des deux mains la conception de cette Aprilia. Enfin une vraie selle, une poignée pour le passager, des repose-pieds avec un gros morceau de caoutchouc dessus et… une distance selle/repose-pieds égale à celle du pilote (rare). Bref, elle remporte haut la main l’épreuve du duo. Sur ce plan en effet, la Buell et sa selle hyper courte, la Kawa et son mini-morceau de mousse haut placé, ultra-fin et penché vers l’avant font pâle figure. Tout comme la Street avec ses repose-pieds trop hauts. Sans oublier, hélas, un gros défaut commun : l’absence de poignée pour se tenir au freinage.
L’AVIS DE CHANTAL
Roule en Ducati 800 SSie
« Très pratique » À la place du faux réservoir, un coffre peut accueillir un casque intégral, une combi de pluie, un antivol ou, pourquoi pas, quelques courses rapides en rentrant à la maison… Il comble très largement le manque d’espace sous la selle (il faut bien mettre le réservoir quelque part !). Et d’avoir pensé à y installer un éclairage pour voir jusqu’au fond la nuit et une prise 12V pour recharger téléphone portable ou lecteur MP3, voire un GPS, c’est encore plus fort. Pas de doute, ils savent parler aux filles, ces Italiens.
L’AVIS DE JEAN-LUC
Roule en Yamaha FJR 1300
« Insipide » Pas convaincu. Certes, je trouve le look de cette Mana réussi mais il ne correspond pas au mode de transmission « pépère » du moteur.
Sur le papier, l’idée d’une mécanique automatique peut séduire, mais sur la route j’ai trouvé son usage parfaitement insipide. Pas tant pour le fait qu’en mode auto on ne puisse pas passer les rapports à sa guise, mais plutôt que l’on doive attendre que la transmission s’en charge.
Sur un scooter, je veux bien admettre. Mais sur une moto… Dommage, car une Mana à boîte, avec un vrai sélecteur et un levier gauche pour bien exploiter ce V-twin de 850 cm3 plein de bonne volonté, ça ne devrait pas être mal. D’autant que la fourche inversée et les étriers à fixation radiale permettent des balades à bon rythme…
L’AVIS D’ERIC
Roule en BMW R 1150 RT
« Pas naturel » Une moto sans levier gauche, ça me choque, déjà rien qu’au regard. Même les scoots ont 2 leviers, pour les freins, certes, mais deux leviers quand même !
Au moment de démarrer, c’est déconcertant ; on sent quelque chose de pas naturel, de bizarre, quoi ! C’est au premier virage serré, en essayant d’agripper ce levier fantôme pour descendre un rapport et profiter du frein moteur, que j’ai eu ce petit instant de panique que connaît tout bon motard qui se respecte (le fameux « houlà houlà »).
Le cauchemar ! C’est dire que même si je le voulais, mon cerveau lui, n’est pas prêt à rouler sur une « mot’scoot. »