Parmi les pays du bassin méditerranéen, la Turquie reste l’une des plus belles destinations. Nature, histoire, culture… Les arguments ne manquent pas pour vanter les ressources qu’offre cette terre. Mais la Turquie est surtout un pays qui ouvre les portes de l’Orient. Un pays qui sait faire rêver.
De la Turquie, cet immense pays aux forts contrastes géographiques et ethniques, c’est peut-être le poète turc Nazım Hikmet qui nous offre la plus belle définition : « Ce pays qui ressemble à la tête d’un étalon, venu au galop de la lointaine Asie pour plonger dans la Méditerranée, c’est notre pays ! » Nul n’est en effet aussi proche et lointain de nous ; aucun « à portée de route » ne vous offrira autant de possibilités de goûter aux charmes de l’Orient. Il y a quelque chose de magique dans ces immenses étendues d’Anatolie, de secret dans les vallées de Cappadoce et de mystique au sommet du Nemrut Dagi… Il y a aussi les côtes sauvages encore préservées (mais pour combien de temps encore ?) de la Méditerranée ou de la mer Noire, le charme de la ville d’Istanbul, l’animation des bazars et, surtout, la gentillesse des gens.
Ici peut-être plus qu’ailleurs, le mot accueil prend tout son sens, et le voyageur à moto est toujours reçu avec gentillesse et attention, en particulier dans les campagnes. C’est souvent que l’on vous proposera de partager un thé, un bon repas ou un brin de causette, car la moto a le grand avantage de vous classer au même niveau que les gens simples.
En images
Elle permet aussi (mais faut-il encore le répéter ?) une grande liberté de mouvement et la possibilité de sortir des sentiers battus par les touristes. Attention toutefois au réseau routier turc, car bien qu’immense et goudronné, il n’est pas comparable au nôtre. On y trouve d’autres façons de conduire, d’autres codes et d’autres règles. De plus, surtout en Anatolie, les distances sont très importantes et la moyenne peu élevée. Le périple prend alors une allure de « grand voyage ». Ajoutons que depuis la France, la route pour se rendre en Turquie est longue, avec deux itinéraires possibles : l’un par voie de terre à travers l’Europe de l’Est et l’autre par bateau. Cela demande pas mal de temps et d’argent… Mais cela en vaut largement la peine ! Notre voyage, avec une Honda DN-01 et trois BMW 1200 GS, aura duré en tout quatre semaines.
De l’Adriatique à l’Égée Aller à moto jusqu’en Turquie n’est pas une simple formalité ! Par la route, c’est en effet un périple de plus de 2700 kilomètres, avec la traversée d’au moins six pays qui vous attend. L’autre possibilité, certainement moins chère si l’on prend en compte toutes les dépenses du voyage, consiste à prendre le bateau à Ancône, en Italie. C’est celle qui a été retenue pour ce voyage aller. En été, il y a bien un bateau direct jusqu’à Cesme avec la compagnie Marmara, mais au mois de mai, date de notre départ, il a fallu prendre trois bateaux pour arriver à Bodrum, au sud d’Izmir. Mais bon, quand on aime la mer… L’arrivée à Bodrum, petite ville touristique sur le bord de la mer Égée et face à l’île de Kos, n’est pas vraiment dépaysante en soi car le lieu, comme bon nombre de stations balnéaires méditerranéennes, est très touristique et donc à la mode occidentale. Le passage en douane est une pure formalité, et n’y a que les motos qui intéressent les douaniers, à cause de certaines obligations spécifiques (voir encadré « Pratique »).
Après une première nuit passée dans un petit hôtel au bord de la mer, assez loin de Bodrum et de ses paillettes, en route vers la ville d’Antalya et, ensuite, la Cappadoce. Les possibilités d’itinéraire sont nombreuses, entre routes côtières et montagneuses. Le nôtre consiste à parcourir la côte jusqu’à Fethyie par la route 400, avant de traverser une partie du massif du Taurus par la route 350 jusqu’au parc national de Gulluk et Antalya. Un choix judicieux, car il offre déjà un beau panel de la diversité des paysages turcs. D’un côté, le littoral est par endroits encore vierge, et la forêt de pins vraiment splendide ; de l’autre, dans la montagne, il est possible d’observer un paysage proche de celui que l’on trouve chez nous dans le Mercantour. Mais déjà, une évidence s’impose : le réseau routier secondaire turc est en constante évolution (en Anatolie, c’est encore pire), et bon nombre de routes n’apparaissent pas encore sur la carte routière IGN, pourtant récente et bien détaillée ! Quant au GPS avec carte du pays, il est souvent hors jeu. La meilleure solution consiste à s’orienter en demandant aux autochtones ou, encore mieux, à recourir à un simple GPS avec relevé des points sur la carte.
La Cappadoce et Sanliurfa D’Antalya jusqu’à Kayseri, la grande ville proche de la Cappadoce et magnifique belvédère sur le massif des Erciyes (4000 m d’altitude), la route 665 qui monte à Beysehir et au lac endoréique (fermé) du même nom est tout simplement magnifique. Plusieurs cols sont au programme. Ensuite, la route 330 en direction de Konya et la 300 jusqu’à Nevsehir (au cœur de la Cappadoce) déroulent leur goudron sur un plateau à plus de 1000 m d’altitude. L’air y est pur, et les villages de plus en plus épars. Dans cette région, il ne reste plus qu’à se perdre au milieu de nombreux sites, plus fascinants les uns que les autres. Par la suite, vers la Syrie et la très belle ville de Sanliurfa, aux portes du Kurdistan, une belle solution consiste à descendre par Develi et Kozan (route 815). C’est l’un de plus beaux itinéraires du pays si l’on aime les paysages de montagne… et la solitude ! Attention toutefois à la météo, à l’état des routes et à la moyenne en cas de mauvais temps. On peut aussi rejoindre Gaziantep par la 825 si l’on veut faire plus court. Il faut bien deux jours pour visiter Sanliurfa et Harran. La ville est aussi un bon endroit pour faire une petite révision de la machine, car on y trouve de nombreux mécaniciens moto.
Nemrut Dagi et mer Noire De Sanliurfa, par la route 360 et avant la ville de Siverek, il est possible de prendre un bac pour traverser le lac du barrage d’Atatürk sur l’Euphrate. De là, il ne reste qu’une centaine de kilomètres (dont 30 de pavés) pour rejoindre l’un des plus beaux sites archéologiques au monde, le Nemrut Dagi. Faute de temps et avec beaucoup de regrets, nous ne nous rendrons pas au mont Ararat, mais nous poursuivons notre voyage vers la mer Noire via l’Anatolie centrale. Au menu : villages, cols, plateaux, vallées étroites, ponts en bois… Les BMW GS, en mal de piste, ont même parfois emprunté des chemins où il fait bon remuer la poussière et traverser les petites rivières. Pour arriver sur le petit port de Sinop, notre tracé passe par les villes de Malatya, Elazig, Divrigi, Sivas et Corum, mais la route n’est pas toujours la plus simple ou la plus logique.
De la mer Noire à Istanbul Sur la carte, la route côtière n° 10, qui relie les deux ports de Sinop et Amasra, est longue d’environ 350 km et semble bien facile. En réalité, c’est une route étroite et sinueuse au possible. Il aura fallu plus de 10 heures pour effectuer la liaison, souvent avec une météo humide. C’est une route épuisante, dangereuse, mais aussi l’une des plus belles de ce voyage. Contrairement au reste de la Turquie, ici les pompes à essence sont assez rares. D’Amasra, pour rejoindre au sud l’autoroute Ankara-Istanbul, il faut franchir une chaîne de montagnes par la route 755, un must pour ceux qui aiment le pilotage sans lignes droites. Au passage, ne pas oublier de s’arrêter à Safranbolu pour admirer ses vieilles maisons ottomanes et acheter du safran. L’arrivée à Istanbul depuis la partie asiatique procure exactement l’effet contraire que lorsqu’on arrive d’Europe : le trafic intense donne l’impression d’arriver en Occident. Pourtant, deux journées passées dans les bazars, un bon repas de sardines grillées sur le Bosphore, la majesté de la mosquée Bleue ou une visite dans les jardins du palais de Topkapi suffiront à retrouver le charme incroyable de cette ville, l’une des plus belles au monde. Quant au retour, il se fera par la route, mais c’est encore une autre aventure…
Villes coup de cœur
Istanbul
Sans être la capitale (qui est, comme vous le savez, Ankara), Istanbul est la ville la plus magique de Turquie, celle où il faut obligatoirement s’arrêter au moins quelques jours pour s’imprégner de son charme et admirer les vestiges d’un passé très riche. On ne va pas faire ici une liste des monuments ou des lieux à visiter. Pour cela, un bon guide de voyage (Gallimard, le Routard…) fera l’affaire.
Mais sachez que la ville regorge aussi de « petits coins » populaires où il est possible de plonger dans le quotidien des habitants. La rive asiatique est plus authentique, et ses marchés plus colorés. Le bazar égyptien, malgré l’afflux des touristes, reste un lieu où l’atmosphère de l’Orient est encore palpable. Il fait également bon admirer le trafic des bateaux sur le détroit, regarder les pêcheurs sur les ponts de la ville, se nourrir d’une tranche de pain avec deux sardines grillées… Bref, Istanbul est une ville où se perdre est un délice, une ville à vivre.
Sanliurfa
Cette cité, située au sud-est du pays à quelques kilomètres de la frontière syrienne, est l’une des plus anciennes du pays et un singulier carrefour de civilisations entre Mésopotamie et Méditerranée. On y admire des mosquées bien sûr, mais aussi de très belles églises. Dans ses jardins et son bazar, on peut croiser une myriade de gens différents – Turcs, Arméniens, Kurdes, Arabes. Sanliurfa, ville mosaïque…
Certes, une carte qui affiche une échelle plus petite est en théorie plus précise, mais ne vous fiez pas à ce seul constat. Regardez l’année d’impression (c’est écrit en tout petit quelque part), les légendes, la mise en avant sur la carte de ce qui vous intéresse, la présence ou pas de plans des villes, la facilité à la consulter… Pour ce voyage, nous avons utilisé la carte IGN. Elle est assez précise, bon marché, mais parfois dépassée par l’évolution routière du pays et peu pratique à utiliser à cause de sa « double face ». IGN : échelle 1/750 000 (1 cm = 7,5 km), 5,30 €. Michelin : échelle 1/900 000 (1 cm = 9 km), 7, 03 €. Adac (Automobile club allemand) : échelle 1/800 000 (1 cm = 8 km), 9,95 €. Freytag : échelle 1/800 000 (1 cm = 8 km), 9,95 €. Verlag : échelle 1/500 000 (1 cm = 5 km), introuvable en France… mais en vente à Istanbul !
Guides
Il existe une multitude de guides sur la Turquie, peut-être même trop ! Du très prévoyant Guide du routard (12,90 €) au parfois sommaire Petit Futé (12,96 €) en passant par le soi-disant « inévitable » australien Lonely Planet (28 €), ces ouvrages sont utiles quand il s’agit de trouver un hôtel ou un restaurant lors d’une arrivée tardive dans une ville. Avec le très pédagogique guide Hachette, comme le savant guide Michelin, Gallimard, geo.com ou n’importe quel autre site sur ce pays, vous pourrez parfaire votre culture sur les Turcs et leur histoire. Mais n’oubliez pas de voyager aussi à la mode Moto Mag, c’est-à-dire sans conditionnement, mais avec modestie et intelligence. Sans oublier la prévoyance, bien sûr !
Climat
À propos du climat, sachez que la Turquie est un pays compliqué à résumer à cause de sa géographie. L’été est sec et très chaud au sud et au centre, alors qu’il est souvent humide au nord. L’hiver est doux sur les côtes méditerranéennes et très froid (de type continental, avec neige et températures négatives) au centre et à l’est. D’une manière générale, les périodes les plus agréables pour visiter la Turquie à moto sont le printemps et l’automne. Pour le nord, cette dernière saison est certainement la meilleure, mais dans le centre et plus particulièrement dans les montagnes, les journées sont plus courtes et les petits matins bien frais.
Formalités
Passeport en cours de validité ou carte d’identité. Pour la moto : permis de conduire national, assurance (veillez que votre assurance comprenne bien ce pays). L’assurance rapatriement du véhicule est vivement conseillée. À la douane, il vous sera délivré un document qui atteste de votre entrée dans le pays avec la moto. Il est indispensable pour sortir du pays. Au cas où la moto ne vous appartiendrait pas, il est souhaitable d’avoir avec une attestation du propriétaire (en anglais ou en turc) déclarant que celui-ci vous a bien prêté le véhicule.
Hôtels et restaurants
Impossible de donner une liste complète de restaurants et hôtels, car il y a du choix, et pour toutes les bourses. Sachez seulement qu’à part Istanbul, Antalya ou d’autres localités touristiques, où il ne faut pas compter moins de 30 € pour avoir une chambre de qualité, dans le reste du pays, on trouve facilement à dormir pour 15-20 €. La négociation du prix est d’usage, surtout hors saison. Dans les villes, si vous tenez absolument à un garage pour votre moto, il vaut mieux éviter le centre (presque toujours des petites ruelles). En ce qui nous concerne, deux fois sur trois, nous avons laissé les motos dans la rue, et jamais nous n’avons eu de problèmes. Côte méditerranéenne (et encore) exceptée, le camping n’est pas très développé en Turquie. Concernant les restaurants (voir encadré « Cuisine »), sachez qu’un bon repas coûte en moyenne entre 10 et 15 €, mais que sur la route, de petites gargotes proposent un menu plus qu’équilibré (viande, pain, légumes et yoghourt) pour environ 5 €.
Pour la moto
On trouve en Turquie pas mal de motos, généralement des petites utilitaires, ainsi que des Jawa et des MZ. Et il y a de très bons mécaniciens. Pour une petite panne, une soudure ou une crevaison, vous trouverez toujours quelqu’un capable de régler le problème. Le seul souci peut venir des pièces de rechange introuvables, comme un câble d’embrayage spécifique, un levier de frein ou… une clef que l’on perd ! Pensez à vous constituer, sans toutefois trop vous charger, un petit stock de pièces. Sachez aussi que l’essence sans plomb est plus chère que chez nous (environ 1,50 €), mais qu’elle est de bonne qualité et que l’on en trouve partout. Une particularité des stations en Turquie : on vous sert et en plus, on vous offre le thé !
On a longtemps parlé des conducteurs turcs, et plus particulièrement des camionneurs, comme étant des kamikazes sur route. Si c’était vrai avant, ce n’est plus le cas maintenant, et pour deux raisons : le réseau routier a énormément évolué, et les contrôles pour le respect des règles routières se sont renforcés ! Les policiers turcs aiment les contrôles radar, et ici, personne ne vous signale leur présence. En cas d’infraction, la note est salée, et si vous n’avez pas de quoi payer sur place, il faudra vous acquitter de l’amende à la sortie du territoire. Contrairement à d’autres pays, aucune négociation n’est possible avec les policiers turcs ! Autrement, les routes sont en très bon état sur les grands axes, et la signalisation n’appelle aucun reproche. En Anatolie toutefois, méfiez-vous des trous et des cassures dans le goudron, probablement
dus au gel. Sur le réseau secondaire en revanche, tout n’est pas parfait, loin de là. La signalisation est souvent absente, et la qualité du revêtement très aléatoire selon les régions. C’est sur les petites routes qu’il faut bien sûr faire très attention et modérer sa vitesse. Évitez aussi de rouler de nuit, toujours à cause d’un revêtement parfois imprévisible.
Cuisine
Elle est en général simple, saine et savoureuse. Que vous soyez au bord de la mer ou sur les plateaux anatoliens, il y aura toujours du pain, qui se présente comme une galette. C’est un vrai délice. Il accompagne pratiquement tous les plats, du poisson au mouton. On en fait aussi de délicieuses pizzas. La viande et le poisson sont souvent servis grillés ou cuisinés en ragoût. Elle est toujours accompagnée de toutes sortes de légumes, comme des aubergines aux tomates, souvent marinées dans de l’huile d’olive. Les soupes (çorba) aussi sont exquises, tout comme les pâtisseries. Mais ce que vous risquez de manger le plus sur les routes, c’est de la viande en kebab (rôtie), en döner (à la broche) ou en köfte (boulettes), le tout accompagné de riz, de blé concassé et de salade. N’oubliez pas non plus que la Turquie est le pays des fruits. Les pêches,
abricots, cerises ou figues ont bien meilleur goût que ceux que l’on trouve sur les étalages de nos supermarchés.