L’Hayabusa, porte-drapeau des routières très sportives, nous revient avec son puissant ramage et un plumage au goût du jour. La BMW K 1200 S est le seul modèle européen à pouvoir lui donner la réplique, forte de ses arguments technologiques. Mais qu’en reste-t-il dans leur version hexagonale ?
Dans l’inconscient collectif de nombre d’entre nous, la Suzuki Hayabusa et la BMW K 1200 S représentent le paradis. Un phénomène qui assure à leurs conducteurs louanges et respect dans les rendez-vous motards. Et pour cause, les puissances libres affichées par ces deux bolides sortent de l’ordinaire dans cette catégorie des routières sportives. Il y a neuf ans, la Suzuki a été la première à ouvrir le bal. Lors de sa sortie, elle annonçait déjà une cavalerie inédite de 175 ch avec un tachymètre gradué jusqu’à 340 km/h, détail qui n’échappe pas aux fins connaisseurs du modèle. Aujourd’hui, cette nouvelle version, dont la cylindrée a été portée à 1340 cm3 par l’augmentation de la course des pistons (65 mm contre 63), développe près de 197 ch.
En images
Un progrès qui n’est pas seulement à mettre sur le compte de l’augmentation de cylindrée. Les soupapes sont désormais en titane et non plus en acier, un deuxième volet et un deuxième injecteur font leur apparition sur la rampe d’alimentation et le système de gestion de la puissance S-DMS s’installe au guidon. Côté châssis, mis à part le traitement antifriction des tubes plongeurs de la fourche, un bras oscillant plus gros et des étriers à 4 pistons contre 6 auparavant, l’Hayabusa garde les principales caractéristiques de son aînée.
La K 1200 S n’évolue pas cette année mais propose davantage d’options à son catalogue. Son gros 4-cylindres revendique toujours 167 ch en version libre et profite toujours d’une pratique transmission par cardan. Mais chez BMW, on met surtout en avant la technologie embarquée : le train avant Duolever, propre à la série K, géré par un unique amortisseur et ici piloté électriquement (ESA en option à 680 euros), un système antiblocage de série et un affichage de la pression des pneumatiques en direct grâce à l’option RDC à 210 euros. La japonaise revendique une puissance démoniaque quand l’allemande espère convaincre en couplant la vélocité à un châssis hyper-évolué. Le match s’annonce serré.
Prise en main : confortable teutonne
Aïe ! Mais que ces guidons sont bas ! Couché sur l’Hayabusa, le conducteur fait ses premiers tours de roues dans la souffrance. Et les trois premiers ronds-points abordés provoquent déjà des douleurs dans les poignets. La Suzuki ne joue absolument pas au poker menteur avec son pilote : en sus d’une position de conduite basculée sur l’avant, la bulle de carénage très recourbée arrive au milieu du buste et les repose-pieds, haut placés, réclament une bonne souplesse. Sur la K 1200 S, le conducteur est en revanche choyé. Le carénage est protecteur, la bulle assez haute et la position de conduite très agréable. Et par cette météo frisquette, les poignées chauffantes se dégustent avec gourmandise…
Moteur : la souplesse japonaise
Qu’on se le dise, en France, c’est 106 ch pour tout le monde. En attendant que la FFMC réussisse à rétablir l’équité pour tous les motards européens… Ici nous devons juger des machines amputées de 40 % de leur puissance. À ce jeu-là, la Suzuki 1340 Hayabusa tire aisément son épingle du jeu. Souple à bas régime, rageur dès 3 500 tr/min, sa mécanique fait forte impression sur l’intégralité de sa plage d’utilisation malgré un tirage des gaz extrêmement long. Un vrai régal ! Mais les amateurs du « faucon » resteront tout de même sur leur faim : cette version offre exactement les mêmes performances que la version K6 (millésime 2006)…
À côté, le comportement moteur de la K 1200 S laisse un sentiment plus mitigé. Agréable à solliciter entre 4 000 et 5 000 tr/min, il sonne juste avec un sifflement rauque en provenance de la boîte à air et fait preuve d’une bonne souplesse à la remise des gaz, le tirage court de la poignée augmentant le confort de conduite. Mais ce bloc souffre si l’on se montre brutal en passant les vitesses. La boîte oppose un fonctionnement lent aux plus sportifs et le cardan nécessite une manipulation tout en douceur pour se faire oublier. Des à-coups générés par l’injection se manifestent également à bas régime (50 km/h en quatrième ou cinquième) quand on traverse un village paisiblement. Au final, le gros 4-cylindres de la Suzuki se montre le plus agréable sur route comme sur autoroute, leur lieu de prédilection, d’autant que la filtration des vibrations a énormément progressé avec cette évolution.
Comportement : lâché de « faucon »
Parfaites ! Nos deux montures tiennent admirablement bien la route, chacune à sa façon. Avec sa partie-cycle proche des hypersport de la marque, L’Hayabusa préfère tracer les virages à la serpe quand la touring K 1200 encourage son conducteur à les avaler « tout en rondeur ». Et le résultat est plus que satisfaisant pour nos protagonistes.
Faciles à inscrire en courbe, avec un léger avantage pour la BMW du fait de ses commandes plus hautes, elles effacent les déformations du bitume grâce à leurs suspensions de qualité. Les plus sportifs auront tout de même une légère préférence pour la Suzuki où l’on se sent littéralement imbriqué de par sa position de conduite radicale ; et ceux qui veulent profiter davantage du paysage seront probablement tentés par la béhème, n’ayant aucun effort à faire pour garder la tête haute.
Mais le plus surprenant vient du système de freinage Suzuki. Si les serres du « faucon » mordent avec conviction les disques de 310 mm, elles doivent se débrouiller sans système antiblocage, même en option. Les puristes apprécieront, les autres serreront les fesses quand il faudra tirer fort sur le levier les matins glissants. Angoisse évacuée sur l’allemande depuis longtemps avec un ABS livré d’origine. Seul le comportement spongieux des freins à la prise du levier fait froncer les sourcils.
Verdict
La Hayabusa 1340 ne révolutionne (malheureusement) pas le genre dans cette version française, bridée à 106 ch. Une configuration qui lui confère des performances finalement similaires à la précédente version. Un statu quo qui profite à la routière sportive de la marque à l’hélice. En effet, si son moteur est moins démonstratif et sa boîte de vitesses capricieuse au regard du tandem parfait 4-cylindres-boîte 6 de la Suzuki, on prend plaisir à la chevaucher grâce à son ergonomie générale. La BMW peine pourtant à faire accepter l’addition. Si le modèle de base se monnaye 16 100 euros (contre 13 699 euros pour la Suzuki), la note finale de notre machine d’essai frôle les 19 000 euros avec la kyrielle d’options dont elle dispose. Un delta de 5 000 euros difficilement justifiable par l’unique optimisation du confort de conduite.
Commandes Sur la BMW l’écartement des leviers est assuré par des molettes dont le maniement exige des petits doigts. Elles sont plus classiques sur la Suzuki, sur le haut des leviers (4 positions pour l’embrayage et 5 pour le frein avant). Sélecteur et pédale de frein sont réglables en hauteur sur les deux.
Rétroviseurs Efficaces sur les deux motos. Ils ne vibrent pas trop et la vision est correcte. Attention sur la BMW (photo 1), où les clignotants sont intégrés à la coque des rétros (140 € le morceau !). Béquilles Aucune centrale. La latérale de la Suzuki est équipée d’un ergot trop petit pour bien l’attraper avec le talon. La BMW est mieux lotie : l’ergot est plus long, mais la béquille est un peu plus « rentrée » que sur la Suzuki. Match nul, donc. Bagages et antivol La BMW ne dispose pas de logement sous la selle, contrairement à l’Hayabusa, qui peut emporter un petit « U » spécifique. Clef codée sur les deux motos. On apprécie la présence d’ergots pour l’arrimage des tendeurs : sur la coque arrière de la Suz’, sur les poignées passager de la BMW ainsi que sur les platines repose-pieds. Le réservoir en plastique de la BMW, comme sa forme, exige une sacoche spécifique, contrairement à celui de la Suz’, en acier.
Entretien courant
Huile moteur Le moteur « à carter sec » de la BMW implique la présence d’une nourrice placée sous la selle (photo 3). Le contrôle du niveau se fait via une durite transparente le long de cette nourrice, côté droit, et l’appoint s’effectue sous la selle. Contrôle par hublot sur le carter moteur et appoint par orifice sur le couvre-embrayage pour l’Hayabusa. Liquide de refroidissement Contrôle côté gauche, sous le longeron de cadre pour la bavaroise mais l’appoint nécessite « d’écarter » le carénage gauche (voire de le déposer), ce dernier masquant en partie l’orifice du vase d’expansion. Peu pratique. Sur la japonaise, le contrôle demande de l’adresse pour visualiser le vase d’expansion, placé dans le carénage intérieur, le long de la fourche et l’appoint exige de déposer le carénage latéral droit.
Batterie et fusibles Pas de fusibles pour la BMW (multiplexage) mais une batterie derrière la colonne de direction, sous un cache (facile d’accès). La batterie de l’Hayabusa (photo 2) est sous la selle pilote et les fusibles dans le flanc gauche du carénage (nécessitant la dépose du retour de carénage en plastique noir). Tension de chaîne Sans objet pour la BMW (merci le couple conique !) et par axe poussé pour la Suzuki.
Trousse à outils Complète sur la Suzuki (photo 4), où l’on peut tout régler (tension de chaîne, suspensions, etc.). C’est plus chiche chez BMW : 2 tournevis et une clé Torx… Suspensions Notre BMW était équipée de l’ESA, suspension pilotée au guidon avec trois positions (confort, normal et sport). Un bonheur, facturé 680 euros, un rapport prix/prestation honnête. La Suzuki est plus classique avec des suspensions réglables en tous sens (précontrainte, compression et détente hydraulique) mais l’accessibilité des réglages de l’amortisseur arrière laisse à désirer.
L’avis d’Axel
Roule en Honda CX 500
« Sulfureuse » Avant même de rouler sur le « faucon », sa sulfureuse réputation m’avait déjà conquis. Il faut dire qu’en ces périodes de répression routière, le simple fait de s’afficher à son guidon vous pose en suspect n° 1. Et passer « du côté obscur » n’est pas désagréable… Sur la route, le mythe en prend toutefois un coup ! Notre beau pays l’ayant amputée de 90 ch, il faut se résoudre à rouler sur le couple et oublier les montées en régime hystériques. Malgré son poids respectable digne d’une bonne routière, j’ai trouvé la Buz’ assez facile à emmener à condition de « muscler son jeu ». Son défaut ? Une position de conduite trop sport qui fatigue les poignets au bout d’une heure. Mais rouler sur une icône, ça se mérite… Moi j’aime !