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Mistral gagnant : c’est en 2009... Mistral gagnant : c’était en 1999... Mistral gagnant : 40 ans d’histoire Mistral gagnant : plan Castellet

Un tracé hors du commun

Depuis Agostini jusqu’à Rossi, tous les grands pilotes se sont illustrés ici. Né en 1970 sous l’impulsion du roi de la boisson anisée Paul Ricard, le circuit fut construit en 300 jours sur le vaste domaine de 1 000 hectares qu’il possédait sur le plateau du Castellet. Objectif de l’entrepreneur passionné de sport mécanique : créer un événement d’ampleur internationale dans la région. Il lui fallait donc un circuit hors du commun. Ce fut chose faite grâce à un tracé de 5 810 m comprenant une ligne droite de près de 2 kilomètres baptisée « Mistral ». Du jamais fait. Bénéficiant d’un ensoleillement quasi garanti toute l’année et de la Méditerranée toute proche, ce petit coin de paradis va vite devenir la Mecque des amoureux de belles trajectoires et marquer à jamais l’histoire des sports mécaniques. Giacomo Agostini, Barry Sheene, Angel Nieto, Kenny Roberts, Eddy Lawson, Phil Read, Max Biaggi, Michael Doohan et même Valentino Rossi y seront couronnés sous les applaudissements du public européen. Plus de 80 000 spectateurs se réuniront à chaque course, à l’ombre des pins, pour célébrer la moto. Treize Grands Prix de France et 22 Bol d’or s’y dérouleront avant que le sanctuaire ne perde son homologation au profit de celui de Magny-Cours (Bol d’or) et du Mans (GP).

Racheté en 1999 par Bernie Ecclestone, le « boss » magnat de la Formule 1, le circuit est définitivement fermé au public. De grands travaux sont alors lancés, afin de faciliter le suivi et d’améliorer la sécurité des sacro-saintes Formule 1 lors de leurs essais. Caméras de surveillance, nouveau revêtement, nouveaux virages, remplacement des bacs à gravier par un mystérieux concept baptisé « Blue Line », sorte de bitume constitué de bandes ultra-adhérentes qui rattrapent les pneumatiques lors des sorties de piste… Le circuit est transfiguré, mais reste inaccessible. Loué à prix d’or aux écuries de F1 et autres équipes automobiles pour leurs essais, le complexe est certes rentable, mais plus aucune course ne s’y déroule, et aucune moto ne peut y poser ses roues.

Lever de rideau sur un circuit nouveau

Il faut attendre 2003 pour que deux motards parviennent à convaincre le directeur de l’époque, Philippe Gurdijan, de leur laisser tester la piste sur deux roues. Le pilote vainqueur du dernier Bol au Castellet, Christian Lavieille, et l’ex-pilote-formateur-commentateur télé Philippe Monneret réalisent alors des tests de roulage. Leur but : démontrer que l’absence de bacs à gravier n’est pas rédhibitoire pour les motards. Concluants, ces tests permettent aux deux compères de ramener la moto sur ce circuit mythique, par le biais de stages de perfectionnement exclusivement…

Puis, suite au changement de direction en 2009 et grâce la volonté de Gérard Neveu, le circuit Paul-Ricard HTTT est désormais accessible aux spectateurs et aux compétitions. Et c’est le Moto Tour, début octobre, qui a eu l’honneur d’inaugurer cette ère nouvelle devant de nouvelles tribunes pouvant accueillir 5 000 spectateurs ! Un événement en soi, qui laissait rêveur ce nouveau cru de compétiteurs, dont Jehan d’Orgeix, lui aussi vainqueur de la dernière édition du Bol d’or. De là à revoir une épreuve d’endurance sur ce circuit, il n’y a qu’un pas, que beaucoup rêveraient de voir franchi. « Pas dans un futur proche, déclare Gérard Neveu. D’une part, le Bol d’or est lié par contrat avec le circuit de Magny-Cours et de l’autre, le circuit Paul-Ricard HTTT n’est pas équipé pour accueillir les 50 000 ou 60 000 spectateurs qu’un Bol d’or ou un MotoGP peuvent déplacer. Nous restons humbles pour commencer, avec des événements plus modestes pour les amateurs d’auto comme de moto. » La Sunday Ride Classic en est l’exemple parfait : ces démonstrations d’anciennes sur le modèle des Coupes Moto Légende sont organisées depuis l’an dernier au cœur du Castellet et accueillent de nombreux spectateurs. Et pour leur première édition, on a dû refuser du monde, faute de places. Des buttes ont depuis été aménagées, augmentant la capacité d’accueil à 15 000 spectateurs.

Back on the « Tech Test Track »

C’est pourtant devant des tribunes abandonnées par les spectateurs du Moto Tour que je poursuis mon retour vers le futur : dans la pinède avoisinante, les senteurs de Provence ont remplacé les odeurs de barbecue, et le chant des cigales a repris ses droits sur les rupteurs des campeurs. Tsss-tsss-tsss , le nouveau double droite du Beausset s’annonce serré. Rétrogradage en 3… 110 km/h, ça rentre. Christophe Guyot s’invite devant moi et m’indique les repères du bout des doigts. Les lignes bleues puis rouges se prolongent au loin du cône que je fixe. Rassurantes, elles épargnent aux trop optimistes la scabreuse épreuve du bac à gravier et permettent de reprendre très vite la piste. En cas de chute, m’a-t-on dit, les bandes abrasives ralentissent la glissade sans trop mettre à mal les combinaisons de cuir. À tout hasard, j’aborde le gauche de Bendor avec prudence. Le nom de ce virage vient de celui de l’île, non loin d’ici, où l’ancien propriétaire des lieux aimait se prélasser au soleil. Tout en m’efforçant de ne pas trop lâcher la R1 de mon maître du jour, je me remémore quelques conseils glanés dans les paddocks : « La courbe de Village, c’est gaz en grand, 2-3-4 et genoux au sol. Normalement, l’arrière part en glisse : du bonheur… »

Hum, j’hésite, et déjà Christophe disparaît. J’entre ensuite dans Tour à la corde, passant en rêve quelques pilotes d’usine en fin de relais et préparant leur retour aux stands, juste avant le virage du Pont. « C’est l’endroit le plus lent du circuit des 3/8 », m’a-t-on prévenu au journal. Car 179 combinaisons de pistes sont désormais possibles. Celle de 3 800 m sur laquelle j’évolue aujourd’hui se termine juste après le passage devant les stands. Rejoignant Mistral par un amusant jeu de chicanes, je regrette alors de ne profiter que de la moitié de cette longue ligne droite, où les plus rapides atteignent 320 km/h. À fleur du massif de Sainte-Beaume, je me console : voilà déjà Signe et sous le panneau Paul-Ricard, juste avant le freinage, j’annonce : la deuxième tournée est pour moi !

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