Voyage moto : les pistes indiennes à portée de main !
Recherche
Voyage moto : les pistes indiennes à portée de main !
Le Kerala et le Rajasthan à votre portée en 125 cm3 et en Enfield. Parce que trop lointaines ou trop mystérieuses, certaines destinations apparaissent inaccessibles. L’Inde est de celles-ci. La découvrir et la parcourir à moto est pourtant simple et abordable.
La moto est un formidable moyen pour s’évader, sortir des sentiers battus, aller à la rencontre de lieux et de gens pas encore pervertis par le tourisme de masse… Bon nombre de récits de motards en voyage de par le monde s’en font écho. Mais se rendre à l’autre bout de la planète avec un deux-roues est parfois périlleux, sinon impossible en regard du temps et des formalités administratives nécessaires. Il existe donc une alternative : se rendre sur place en avion et louer des motos. Un pays comme l’Inde (il serait plus juste de parler de sous-continent) se prête à merveille – le mot n’est pas trop fort – à ce petit jeu.
Le paradis des loueurs Avec une industrie de petits deux-roues utilitaires très prospère (voir encadré) et des loueurs installés dans pratiquement tous les lieux touristiques du pays, dénicher une moto ou un scooter est très facile. La formule permet en outre de visiter des régions parfois très éloignées les unes des autres.
En images
Ainsi, ne disposant pourtant que d’un peu plus de trois semaines, notre équipe a pu rayonner à travers le Kerala, puis au Rajasthan, deux États pourtant distants de plus de 1500 kilomètres. La première région, située à l’extrême sud-ouest de l’Inde, est célèbre pour ses plages à perte de vue et ses cocotiers.
Le Kerala possède aussi un passé colonial, en témoignent ses fameux comptoirs toujours visibles ou encore les champs de thé dans les montagnes… La seconde est peut-être la région qui, avec son désert, ses palais de maharajas et ses villes colorées, symbolise le mieux les fastes d’un riche passé. Si cinq jours nous ont paru suffisants pour visiter par petites étapes quotidiennes le centre du Kerala et se faire la main à la conduite indienne au guidon de scooters et de 125 locaux, nous avons pu consacrer 15 jours entiers au Rajasthan, sillonné de long en large avec des 350 Enfield loués à Delhi.
Une circulation Delhi-rante À notre arrivée à New Delhi, ce qui frappe le plus c’est la circulation chaotique et la pollution qui plane sur la ville. Déjà mes compagnons de voyage commencent à douter de la faisabilité du projet. Ensemble, nous avons plusieurs voyages en commun dont un à Dakar et un autre jusqu’en Syrie, mais c’était avec nos propres motos et surtout, il n’y avait pas tout ce monde ! On cherche à comprendre les règles et les codes de cette circulation anarchique, rien n’y fait : le seul mot qui vient à l’esprit pour définir la conduite indienne, c’est « opportunisme » ! Deux jours suffiront pour visiter en partie la capitale, prendre des billets d’avion pour Cochin, au Kerala, et surtout pour dénicher un loueur d’Enfield assez sérieux pour la deuxième partie de notre programme. Après négociation (acharnée), le prix de la location des motos pour le Rajasthan est fixé d’avance à 7 euros par jour, assurance comprise. En attendant, direction le Kerala avec un avion de la compagnie locale, Kingfisher.
Premiers apprentissages À Fort Cochin, charmante petite ville coloniale portugaise, un des plus sérieux des loueurs est Ivan Joseph chez i-One Too Wheelers. Ses scooters Honda Hero et ses motos Bajaj ne sont pas vraiment de toute première jeunesse et il vaut mieux ne pas regarder de trop près les rafistolages du circuit électrique. Mais le prix de la location journalière est respectivement de 4,20 et 4,70 euros… casques (non homologués) compris ! À ce prix, on se dit que la panne guette à l’angle de la rue. Au moins nous restera-t-il quelques roupies pour nous offrir les services d’un camionneur pour rapatrier les motos. Pourtant – ô miracle ! –, aucune panne sérieuse ne viendra gâcher la fête, sinon l’évasion subite d’une cosse bien cachée derrière la colonne de direction. Pas de quoi émouvoir le « mécano du coin » – il y en a toujours un à proximité – qui n’aura mis que deux secondes à résoudre le problème. Dans ce petit coin de paradis, il est possible de visiter la vieille ville, s’attarder dans les bons restaurants de poisson, regarder les pêcheurs monter leurs filets chinois ou encore se baigner sur une plage bordée de cocotiers. Il est agréable aussi, par des chemins buissonniers, de longer les canaux jusqu’à Alappuzha ou encore pousser jusqu’à Munnar, ses champs de thé et ses lunes de miel. La ville, située à 180 km à l’est de Fort Cochin, est en effet le lieu de rendez-vous de tous les nouveaux mariés de la région. C’est ici, au pied de montagnes qui culminent à 2 695 m, que les tourtereaux effectuent leur voyage de noces. Cinq jours de balade en tout, avec un apprentissage des règles routières indiennes et de la conduite à gauche. Nous voilà prêts à affronter le grand voyage au Rajasthan. Enfin presque…
Rajasthan : un monde en couleurs ! Rançon de l’inexpérience, de retour Delhi, nous apprenons qu’il est désormais possible de louer des motos dans la plupart des grandes villes du Rajasthan. Mais nous avions déjà réservé les nôtres et devons donc nous engager sur le difficile trajet reliant Delhi à Jaipur. Tant pis. Il nous faudra affronter ce grand axe routier souvent envahi par des camions qui roulent chargés jusqu’au bout du possible. Pénible et parfois périlleux. Outre le fait que ces mastodontes ne calculent même pas une moto, ils déboîtent sans prévenir et semblent faire n’importe quoi. Chaud ! Mais instructif. « C’est encore là, dira l’un d’entre nous, qu’on en apprend le plus et le plus vite sur la conduite indienne, le fonctionnement des relais routiers, et les conditions de travail des chauffeurs indiens… » C’est au fort d’Amber, à l’entrée de Jaipur, que le Rajasthan apparaît dans toute sa splendeur. Dans le soleil couchant, la ville rose encore brûlante brille de tous ses feux. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Tout au long du parcours effectué à l’intérieur de cette région unique en son genre, chaque ville constitue une étape inoubliable : à Jaipur la rose succède Jodhpur la bleue, Pushkar la blanche ou encore Jaisalmer la jaune. Des teintes que l’on retrouve dans les costumes des gens d’ici, et qui font de cet État un formidable patchwork de couleurs. Difficile notamment de rester indifférent à la grâce et à la finesse des femmes rajasthani et de leurs saris multicolores.
Jaisalmer et le désert du Thar Mais une des villes les plus intéressantes à visiter est sans nul doute Jaisalmer. C’est de cette ville forteresse que l’on peut aller se « perdre » dans les petits villages et les dunes du désert du Thar. Et partager le thé, discuter avec les villageois qui ne voient pas tous les jours des occidentaux arriver sur des motos sont des expériences uniques. Il n’y a que les enfants, avec leur drôle de manie de fouiller dans vos poches, pour assombrir le tableau. Il faut se méfier, comme le répètent sans cesse certains guides, mais seulement un peu… Faute de quoi, il vaut mieux rester chez-soi !
S’agissant des motos, ce sont des 350 cm3, avec sélecteur à gauche et frein arrière à droite, comme chez nous. Aux dires du loueur, trois d’entre elles sont quasi neuves et n’ont effectué que deux voyages : un au Rajasthan et l’autre au Ladakh (de Delhi jusqu’à Leh, via Manali). De fait, les deux seules difficultés que nous aurons à affronter seront une crevaison autour de Jaisalmer et la casse d’un câble d’embrayage. Comme toujours en pareil cas, il y avait un réparateur à seulement 250 mètres. Coût de la réparation pour la crevaison ou pour le remplacement du câble : 50 roupies, soit 80 centimes d’euros. On se demande parfois pourquoi le monde est si injuste avec certains et plus accommodant avec d’autres : l’heure de main-d’œuvre chez nos concessionnaires correspond à ce que gagne un jeune mécano indien dans le mois ! Et encore, à condition de travailler sept jours sur sept…
Papiers, formalités : un passeport valide et un visa touristique (six mois, environ 50 euros).
Climat : la meilleure période pour visiter le Kerala et le Rajasthan à moto va de décembre à avril : il n’y a pas de mousson et les températures sont clémentes.
Transport : plusieurs compagnies aériennes relient Paris aux grandes villes indiennes. Air France et Air India proposent des vols directs. Avec Qatar Airways (escale à Doha), le prix du vol A/R avec les différentes assurances était de 320 euros en janvier 2010. S’y prendre à l’avance est souvent synonyme d’économies !
Location de motos : en 125 cm3, on trouve des scooters ou des motos souvent de marque Honda, Bajaj ou TVS. Les Yamaha existent mais sont encore rares. Le prix varie en fonction des villes, selon la fréquentation touristique, le type de moto ou encore le temps de location. En gros, compter entre 3,50 et 7 euros par jour. Souvent, on vous proposera même des 150 ou 180 cm3… Sans trop se soucier des équivalences de permis ! Les loueurs demandent toujours le nom de votre hôtel et une photocopie du passeport. Ils assurent qu’en cas de problème, ils viendront vous chercher. On n’a jamais vérifié !
Pour les voyages plus longs, ce sont souvent des 350 Enfield que l’on trouve. À Delhi, c’est dans le quartier de Karol Bagh que l’on déniche les loueurs. Pour nous, c’était Tony Bike. Il est sérieux et réglo ! Une caution et le permis international (gratuit en préfecture) sont par ailleurs exigés. En cas de casse, il faut rembourser ; sauf en cas de mauvais entretien du loueur ou à cause de l’usure. Il n’y a pas de problème en général, mais au cas où, il ne faut pas hésiter à négocier. Quant à l’assurance, le loueur est obligé d’avoir une assurance au tiers, mais la meilleure solution consiste… à ne pas avoir d’accident. Concernant les protections, l’idéal est d’apporter de France un casque, un blouson aéré et des gants d’été. L’équipement indien est en effet de mauvaise qualité. Le prix de l’essence est d’environ 0,90 centime.
Alternative voyagistes : pour ceux et celles qui n’aiment pas s’embarrasser dans la recherche d’une moto de location, ne sont pas attirés par l’aventure (dans tous les sens du terme) ou qui ne possèdent pas une certaine expérience des voyages à moto (indispensable en Inde), il y a toujours la possibilité de partir avec un opérateur comme Vintage Rides (www.vintagerides.com). Dans ce cas, il faut compter un budget personnel, hors voyage en avion, de 2 500 euros pour 12 jours au Rajasthan.
Conduite : si vous savez conduire une moto en Inde, vous pouvez le faire partout ailleurs. Dans le trafic, l’avertisseur sonore est peut-être l’élément le plus important à avoir. Il vaut mieux éviter les grands axes car comme pour les personnes, il subsiste des castes sur les routes indiennes. Les plus hautes étant les gros camions et les plus basses les piétons. La moto n’est évidemment pas vraiment bien placée dans la hiérarchie ! Lorsque par exemple un bus a décidé de doubler un camion, peu lui importe qu’un deux-roues vienne en sens inverse… Ne pas oublier non plus qu’on roule à gauche. Heureusement, l’adaptation n’est pas si compliquée. Il faut juste oublier nos règles et s’adapter. Quant aux routes, elles peuvent être excellentes ou incroyablement dangereuses à cause des animaux, trous et autres pièges. La signalisation est facile à comprendre et généralement en anglais dans les zones touristiques. Sur le réseau routier secondaire en revanche, elle est en langue hindi, autant dire incompréhensible. Mieux vaut éviter, enfin, de rouler la nuit. Quant à la police, elle ne nous a pas contrôlés une seule fois.
Guides et cartes : les guides sur l’Inde ne manquent pas et du parfois alarmiste Guide du Routard au prétentieux Lonely Planet, en passant par le fourre-tout du Petit Futé,le choix est vaste. Quant aux cartes routières, on en trouve en Inde à des prix défiant toute concurrence, mais elles ne sont pas toujours très précises.
Budget moyen par personne : voyage en avion A/R depuis la France et Delhi/Cochin, location de la moto, hôtels (gamme moyenne) et repas (souvent pris sur le bord de la route) : 50 euros par jour, soit environ 1 000 euros par personne pour les trois semaines. Prévoir en plus 500 euros (négociable) pour la caution de la moto.
Un marché annuel de 8 millions de deux-roues !
Le marché moto indien est le plus important au monde après celui de la Chine. On y vend par an 8,4 millions de motos et scooters (2009, sources Society Of Indian Automobile Manufactures), de 70 à 220 cm3 pour la plupart. Tous sont construits sur place, aucune moto chinoise n’étant importée. La croissance annuelle du marché est supérieure à 10 %. Dernièrement, suite à une « légère » ouverture, Yamaha et Suzuki ont installé des unités de production et Piaggio s’apprête à en faire autant pour produire le LX. Les plus grandes marques indiennes sont :
Honda Hero Motors, créé en 1983 suite à une alliance entre le groupe Hero et Honda Japon. La marque est de loin la plus importante du pays. La production pour l’exercice 2009-2010 a été légèrement supérieure à 4,6 millions d’unités (+23,6 %).
Bajaj Auto existe depuis 1945. La première usine était située à Pune (250 km de Bombay). Après avoir passé un accord avec Piaggio pour produire des Vespa, la marque fabrique des motos en utilisant la technologie Kawasaki. La production pour l’exercice 2009-2010 a été supérieure à 2,5 millions de véhicules, soit 31,4 % d’augmentation par rapport à l’exercice précédent.
TVS Motos adopte en revanche la technologie Suzuki. Cette jeune marque (1980) propose des modèles utilitaires et économiques. La production 2009-2010 a été supérieure à 1,5 million de véhicules.
LML fabrique des scooters qui sont des répliques des vieilles Vespa, mais collabore depuis peu avec le fabricant coréen Daelim. La marque représente 30 % du marché local du scooter.
Royal Enfield Motors ne fabrique que des répliques des anciennes 350 et 500 cm3 Royal Enfield depuis 1955. L’usine de Chennai occupe une toute petite part dans le volume des ventes, mais la marque est une « fierté nationale » et équipe bon nombre de fonctionnaires.
Option "voyage organisé"
Suite à la parution de notre reportage, Chloé Alonzo de Vintage Rider, l’agence qui organise des raids en Inde, nous a fait parvenir ce texte : "Pour ceux et celles qui ne souhaitent pas s’aventurer dans la recherche d’une moto de location, qui recherche un voyage clef en main qui garde sa part d’imprévu, l’équipe franco-indienne de l’agence Vintage Rides vous accueille sur place toute l’année et vous propose un guide francophone, des motos en parfait état et la réservation de vos hébergements. Dans ce cas , il faut compter un budget personnel, hors voyage en avion, de 2 150 euros pour 14 jours au Rajasthan". Vintage Rides PVT LTD C-66 Okhla Phase I New Delhi - 110020 - INDIA Website