Ainsi, ne disposant pourtant que d’un peu plus de trois semaines, notre équipe a pu rayonner à travers le Kerala, puis au Rajasthan, deux États pourtant distants de plus de 1500 kilomètres. La première région, située à l’extrême sud-ouest de l’Inde, est célèbre pour ses plages à perte de vue et ses cocotiers.

Le Kerala possède aussi un passé colonial, en témoignent ses fameux comptoirs toujours visibles ou encore les champs de thé dans les montagnes… La seconde est peut-être la région qui, avec son désert, ses palais de maharajas et ses villes colorées, symbolise le mieux les fastes d’un riche passé. Si cinq jours nous ont paru suffisants pour visiter par petites étapes quotidiennes le centre du Kerala et se faire la main à la conduite indienne au guidon de scooters et de 125 locaux, nous avons pu consacrer 15 jours entiers au Rajasthan, sillonné de long en large avec des 350 Enfield loués à Delhi.

Une circulation Delhi-rante
À notre arrivée à New Delhi, ce qui frappe le plus c’est la circulation chaotique et la pollution qui plane sur la ville. Déjà mes compagnons de voyage commencent à douter de la faisabilité du projet. Ensemble, nous avons plusieurs voyages en commun dont un à Dakar et un autre jusqu’en Syrie, mais c’était avec nos propres motos et surtout, il n’y avait pas tout ce monde ! On cherche à comprendre les règles et les codes de cette circulation anarchique, rien n’y fait : le seul mot qui vient à l’esprit pour définir la conduite indienne, c’est « opportunisme » ! Deux jours suffiront pour visiter en partie la capitale, prendre des billets d’avion pour Cochin, au Kerala, et surtout pour dénicher un loueur d’Enfield assez sérieux pour la deuxième partie de notre programme. Après négociation (acharnée), le prix de la location des motos pour le Rajasthan est fixé d’avance à 7 euros par jour, assurance comprise. En attendant, direction le Kerala avec un avion de la compagnie locale, Kingfisher.

Premiers apprentissages
À Fort Cochin, charmante petite ville coloniale portugaise, un des plus sérieux des loueurs est Ivan Joseph chez i-One Too Wheelers. Ses scooters Honda Hero et ses motos Bajaj ne sont pas vraiment de toute première jeunesse et il vaut mieux ne pas regarder de trop près les rafistolages du circuit électrique. Mais le prix de la location journalière est respectivement de 4,20 et 4,70 euros… casques (non homologués) compris ! À ce prix, on se dit que la panne guette à l’angle de la rue. Au moins nous restera-t-il quelques roupies pour nous offrir les services d’un camionneur pour rapatrier les motos. Pourtant – ô miracle ! –, aucune panne sérieuse ne viendra gâcher la fête, sinon l’évasion subite d’une cosse bien cachée derrière la colonne de direction. Pas de quoi émouvoir le « mécano du coin » – il y en a toujours un à proximité – qui n’aura mis que deux secondes à résoudre le problème.
Dans ce petit coin de paradis, il est possible de visiter la vieille ville, s’attarder dans les bons restaurants de poisson, regarder les pêcheurs monter leurs filets chinois ou encore se baigner sur une plage bordée de cocotiers. Il est agréable aussi, par des chemins buissonniers, de longer les canaux jusqu’à Alappuzha ou encore pousser jusqu’à Munnar, ses champs de thé et ses lunes de miel. La ville, située à 180 km à l’est de Fort Cochin, est en effet le lieu de rendez-vous de tous les nouveaux mariés de la région. C’est ici, au pied de montagnes qui culminent à 2 695 m, que les tourtereaux effectuent leur voyage de noces. Cinq jours de balade en tout, avec un apprentissage des règles routières indiennes et de la conduite à gauche. Nous voilà prêts à affronter le grand voyage au Rajasthan. Enfin presque…

Rajasthan : un monde en couleurs !
Rançon de l’inexpérience, de retour Delhi, nous apprenons qu’il est désormais possible de louer des motos dans la plupart des grandes villes du Rajasthan. Mais nous avions déjà réservé les nôtres et devons donc nous engager sur le difficile trajet reliant Delhi à Jaipur. Tant pis. Il nous faudra affronter ce grand axe routier souvent envahi par des camions qui roulent chargés jusqu’au bout du possible. Pénible et parfois périlleux. Outre le fait que ces mastodontes ne calculent même pas une moto, ils déboîtent sans prévenir et semblent faire n’importe quoi. Chaud !
Mais instructif. « C’est encore là, dira l’un d’entre nous, qu’on en apprend le plus et le plus vite sur la conduite indienne, le fonctionnement des relais routiers, et les conditions de travail des chauffeurs indiens… » C’est au fort d’Amber, à l’entrée de Jaipur, que le Rajasthan apparaît dans toute sa splendeur. Dans le soleil couchant, la ville rose encore brûlante brille de tous ses feux. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Tout au long du parcours effectué à l’intérieur de cette région unique en son genre, chaque ville constitue une étape inoubliable : à Jaipur la rose succède Jodhpur la bleue, Pushkar la blanche ou encore Jaisalmer la jaune. Des teintes que l’on retrouve dans les costumes des gens d’ici, et qui font de cet État un formidable patchwork de couleurs. Difficile notamment de rester indifférent à la grâce et à la finesse des femmes rajasthani et de leurs saris multicolores.

Jaisalmer et le désert du Thar
Mais une des villes les plus intéressantes à visiter est sans nul doute Jaisalmer. C’est de cette ville forteresse que l’on peut aller se « perdre » dans les petits villages et les dunes du désert du Thar. Et partager le thé, discuter avec les villageois qui ne voient pas tous les jours des occidentaux arriver sur des motos sont des expériences uniques. Il n’y a que les enfants, avec leur drôle de manie de fouiller dans vos poches, pour assombrir le tableau. Il faut se méfier, comme le répètent sans cesse certains guides, mais seulement un peu… Faute de quoi, il vaut mieux rester chez-soi !

S’agissant des motos, ce sont des 350 cm3, avec sélecteur à gauche et frein arrière à droite, comme chez nous. Aux dires du loueur, trois d’entre elles sont quasi neuves et n’ont effectué que deux voyages : un au Rajasthan et l’autre au Ladakh (de Delhi jusqu’à Leh, via Manali). De fait, les deux seules difficultés que nous aurons à affronter seront une crevaison autour de Jaisalmer et la casse d’un câble d’embrayage.
Comme toujours en pareil cas, il y avait un réparateur à seulement 250 mètres. Coût de la réparation pour la crevaison ou pour le remplacement du câble : 50 roupies, soit 80 centimes d’euros. On se demande parfois pourquoi le monde est si injuste avec certains et plus accommodant avec d’autres : l’heure de main-d’œuvre chez nos concessionnaires correspond à ce que gagne un jeune mécano indien dans le mois ! Et encore, à condition de travailler sept jours sur sept…

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