Les portes claquent à l’Assemblée nationale, et le bruit qu’elles font risquent d’assourdir certains ministres, à commencer par le premier d’entre eux, Manuel Valls. Plusieurs députés ont démissionné de la commission parlementaire chargée de proposer des pistes de réforme sur la gestion des autoroutes.

Cette commission, mise en place en décembre 2014, comptait huit députés et sept sénateurs. Le 10 mars, alors qu’on attendait un éventuel gel des tarifs de péage et une renégociation des contrats de concession autoroutière, elle a remis un rapport édulcoré, préconisant simplement des réductions aux barrières pour les jeunes et le covoiturage…

« Les dés sont pipés »
Un député PS, Jean-Paul Chanteguet, a claqué la porte. Dans Le Parisien du 10 mars, cet expert des dossiers de transport dénonçait l’attitude de l’administration et du gouvernement : « Il nous avait demandé d’évaluer deux hypothèses, la résiliation ou la renégociation des contrats passés entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes (…) On ne s’est pas donné les moyens de taper du poing sur la table (…) Les dés étaient pipés. »

Il allait même plus loin, estimant avoir assisté à une instrumentalisation des élus : « L’objectif était visiblement de nous faire cautionner les propositions des sociétés d’autoroute (…) Je démissionne de ce groupe de travail car je ne saurais cautionner une démarche qui n’aurait pas pour ligne directrice la défense de l’intérêt général, c’est-à-dire celle de l’État et des usagers. »

Jean-Paul Chanteguet n’a pas apprécié l’attitude du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, qui va annoncer des mesures gouvernementales dans les jours à venir, grillant les conclusions de la commission parlementaire. Cette mission aurait-elle été court-circuitée à cause d’une forte pression du lobby autoroutier sur le gouvernement ?

Rentes
« Cette initiative de Matignon faisait suite au rapport de l’Autorité de la concurrence, qui établissait que les sociétés d’autoroutes avaient transformé les concessions, consenties pour une bouchée de pain, en véritables rentes », constate Patrice Carvalho, député PCF de l’Oise, membre de la commission et démissionnaire lui aussi, sur Humanite.fr.

Pas de renationalisation
« Sur 100 € de péages, entre 20 et 24 € constituent des bénéfices nets et les dividendes versés aux actionnaires ont été multipliés par huit en sept ans (14,9 milliards €), explique ce député. La mise en place du groupe de travail intervenait également après le dépôt, par les parlementaires communistes, d’une proposition de loi (André Chassaigne et moi-même en étions les initiateurs) visant à renationaliser notre réseau autoroutier. De leur côté 152 députés proposaient de renégocier les contrats. »

« Nous avons auditionné de nombreux "experts" contrôlés, la plupart, par Bercy, déplore Patrice Carvalho. Au final, la montagne va accoucher d’une souris. Tous se sont appliqués à nous convaincre que ni la nationalisation ni la résiliation n’étaient envisageables, car jugées trop coûteuses, ce que je conteste formellement. Au regard du racket pratiqué sur les usagers, le retour à une maîtrise publique, même si le rachat a un coût, permettrait, tant à l’État qu’aux automobilistes, d’y gagner. »

Négociations entre « amis »
« Il y a fort à craindre que nous ne débouchions, pour conclure, sur une négociation de marchands de tapis entre les géants du bâtiment et l’État, afin que ce dernier récupère une partie du gâteau, dont les premiers se goinfrent, seuls, actuellement, poursuit l’élu PCF. Dans cette perspective-là, les usagers ne verront guère les tarifs de péage baisser. N’évoluera que la répartition des bénéfices entre les concessionnaires et l’État. »

Le gouvernement devrait rendre ses conclusions dans les prochaines semaines, après les élections départementales. La commission parlementaire, elle, a remis les siennes, sans surprise, le 10 mars : les suggestions vont d’un rééquilibrage des contrats, en partageant les bénéfices de la concession, à la modulation des tarifs de péage pour le covoiturage ou pour les jeunes, avec pour priorité la mise en œuvre sans délai du plan de relance autoroutier.

« Dans ces conditions, nous préparerons de nouvelles initiatives destinées à fédérer celles et ceux qui veulent mettre un terme à cette situation », conclut Richard Carvalho. Parmi lesquels certaines associations d’usagers dont la FFMC, regroupées au sein du think tank Automobilité & Avenir.

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