Comparatifs

Prise en main : L’insolence de la jeunesse.

La cinquantaine dynamique, François ne jure que par la marque qui colle à son « rang » : BMW. Diversion et ER-6f réussissent donc leur coup question style, un bon point pour une future carrière commerciale... Et un vrai coup dur pour les deux autres, à peine remarquées par nos invités ! Entre la Bandit S et la CBF 600 S, c’est « Bonjour tristesse »... Et les commentaires acerbes fusent : « C’est quoi cet échappement sur la Bandit ? Un gazogène ? » Pas de jalouses, la Honda a aussi droit à son coup de griffe : « Noire, triste, banale, quand on voit la beauté de la dernière CBR 1000 RR, on se demande si la CBF est une Honda... » (sic).
Une fois de plus, l’adage qui prétend que style et fonctionnalité marchent rarement main dans la main se confirme...

À l’heure d’arrimer les bagages, ceux qui se sont jetés sur la Div’ et l’ER-6, hypnotisés par les sirènes de la nouveauté, en sont pour leurs frais... Votre serviteur en tête, qui se demande comment embarquer son barda sur cette Diversion qui lui faisait les yeux doux depuis le matin. Selle plate, poignées passager mal foutues (impossible de passer le crochet d’un tendeur), pas d’ergot d’arrimage, des platines repose-pieds « pleines »... La misère ! Et pour une machine à vocation routière, un très mauvais point ! François n’est guère mieux loti. Aimanté par l’ER-6, il rencontre lui aussi des soucis de logistique... En cause, une selle passager fuyante (risque que le bagage glisse lentement) et des poignées passager « ouvertes » (impossible d’y arrimer des tendeurs). Pour comble, c’est la seule à ne pas avoir de béquille centrale, et il doit charger de biais : pas cool. Heureusement, deux ergots salvateurs sous la coque et des platines repose-pieds pratiques (en tubes ajourés) lui sauvent la mise, mais il s’en fallait de peu qu’il ne pleure sa BMW et ses aspects pratiques... Sébastien et Stephen (notre photographe) ont, à coup sûr, tiré les bons numéros.

Le premier n’a aucune peine à charger la Bandit, équipée d’une poignée passager transversale (pratique pour caler son sac), munie d’ergots et de platines repose-pieds ajoutées « exprès » pour accueillir les tendeurs (miam...). Mais la palme du chargement revient sans conteste à la Honda, qui accueille sans souci le matos photo de Steph’. Une selle large, des ergots moulés sous les poignées passager, deux autres montés sur l’avant de la selle passager et, pour finir, un ergot supplémentaire sur l’attache-silencieux avec une lumière de l’autre côté (à condition d’ôter le cache-bouchon en caoutchouc). Ce « trou » sur la platine gauche s’explique par le fait que les CBF 600 et 1000 partagent les mêmes platines (sur la 1000, le trou reçoit la grosse fixation de l’échappement gauche). Dernier détail, les quatre motos disposent d’un réservoir en acier, capable de recevoir une sacoche magnétique, bien.

Les atouts de la maturité. Bagages arrimés, commandes et rétros réglés, réservoirs pleins, nous mettons cap sur la Bourgogne, terre d’asile de notre essai. Passons rapidement (pour une fois) sur le chapitre ville, où toutes nos motos s’en tirent avec honneur, pour se pencher sur les réelles aptitudes routières de ces machines.
Nous filons bon train dès potron-minet, sous un soleil rasant printanier (enfin !). Le moral des troupes est au beau fixe, et les contrôles radar (à peu près tous les 100 km !) défilent. Fontainebleau, Nemours, Montargis, Auxerre, Avallon, Saulieu, Chalon-sur-Saône, les étapes se succèdent, et les kilomètres accouchent peu à peu de leur verdict... Sur la Diversion, je commence à trouver le temps long. La position de conduite est parfaite, mais la selle, étroite et dure, ne tarde pas à m’occuper l’esprit tandis que les turbulences engendrées par la bulle, un poil trop verticale, malmènent mes cervicales.

François, sur l’ER-6 depuis Paris, attaque une gymnastique assez évocatrice... debout sur les repose-pieds, histoire de détendre fessiers et dos. À la faveur d’un arrêt ravitaillement, il nous avoue apprécier la protection offerte par le bas de carénage et l’absence de vibrations du twin. En revanche, il déplore la dureté de la selle, une vraie planche (comme sur la Diversion) et la faible utilité de la bulle (trop basse). Sébastien, perché sur la Bandit (il a réglé la selle en position haute), finit tranquillement sa nuit.
À mes interrogations gestuelles sur son état physique, il répond invariablement par un pouce levé, accompagné d’un sourire qui en dit long sur le plaisir qu’il prend aux commandes de la « vieille » Bandit. Selle accueillante, bonne protection, la Suz’ ne pèche que par de légères vibrations parasites qui endolorissent mains et pieds par moments. Quant à Stephen, il ne lâche pas la Honda, au point d’effectuer les ravitaillements assis sur la bête ! « Super ! Aucune vibration moteur, confort, protection... Avec la selle en position basse et la bulle en position haute, t’es le roi de la route ! Mais la gueule, j’ai un peu de mal... » Ce premier constat routier est sans appel, les « anciennes » ont encore de beaux restes !

Moteur - Comportement : L’heure de vérité

Après le verdict de la grand-route, place aux virolos rigolos ! À Savigny-lès-Beaune, nous décidons de remonter vers Château-Chinon via les départementales. Le tempo se fait plus chaloupé, entre manoirs et castels bourguignons. L’heure de la revanche a sonné pour les produits de l’année. La Diversion ouvre le bal, son châssis neutre et équilibré est un véritable atout. Il est possible d’enrouler à bonne allure, malgré des suspensions tarées « souple ». Le moteur, travaillé pour offrir de la rondeur aux mi-régimes, réduit à l’essentiel le dialogue avec le sélecteur, mais la boîte de vitesses se montre curieusement bien plus récalcitrante que celle de la moto essayée lors de la présentation mondiale (Moto Mag n° 255). Huile différente ? Rodage bâclé ? Mystère...
Autre bonne surprise à l’attaque des courbes, la Kawasaki, elle aussi revancharde ! Légère, agile et armée d’un moteur vivant, c’est la plus appréciée en conduite rapide. Ni plus puissante ni plus efficace que la Yamaha, mais tout simplement plus drôle à mener ! Un plaisir somme toute facile à analyser : c’est la plus légère, elle a l’empattement et l’angle de colonne les plus réduits, et sa zone de couple maxi se situe à des régimes bien plus bas que celle des 4-cylindres. Tout le contraire de la Honda, qui officie avec un ascétisme presque maladif. Elle est efficace (au point de suivre les deux autres sans trop forcer), mais ne délivre aucune saveur à celui qui la mène. Illustration : lors des pauses, chacun lui reconnaît moult qualités (châssis sain, moteur plaisant dans les tours, freinage intégral, facilité à la limite, etc.), mais à l’heure de prendre la route, personne ne se précipite dessus ! Les voies du plaisir à moto sont impénétrables !

Et la Bandit ? Sortie du contexte autoroutier, la Suz’ (et sa conception d’une autre époque) a vite montré ses limites. Lourde (elle frôle le quart de tonne !), traînant une inertie qu’il faut combattre à chaque changement d’angle, elle demande de l’implication à qui veut en tirer le max. Reste le moteur, sympa et toujours dans le coup. Mais face à des motos modernes, le mode coulé/rapide sur petite route lui est fatal...
Au moment d’appuyer sur le levier, enfin, décerner la médaille d’or à la Honda et à son freinage intégral couplé à l’ABS (de série, s’il vous plaît), un atout sécurité/plaisir indéniable, s’impose sans discussion. Derrière, la XJ6 et l’ER-6f, équipées du même matériel et pesant sensiblement le même poids, donnent des résultats équivalents et... normaux. Enfin, la Suz... Malgré des étriers à 4 pistons, elle a du mal à stopper sa masse. Saluons aussi les progrès des systèmes ABS, discrets dans leurs interventions, pour le plaisir de « freiner fort »...

Verdict

Une fois n’est pas coutume, c’est, comme on dit, dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe. Le proverbe rejoint à merveille les conclusions de cet essai. À l’épreuve des kilomètres autoroutiers, la Honda s’est montrée impériale de confort et de protection. En rajoutant une bonne autonomie, une consommation raisonnable, le CBS/ABS et un tarif concurrentiel, c’est la gagnante de ce comparatif. Seul bémol, un manque cruel de personnalité... Juste derrière, la Suz’ rafle la médaille d’argent. Ses défauts (poids, gabarit) deviennent des avantages lorsqu’il s’agit d’avaler les bornes, apportant confort, protection et stabilité. Et que dire de son prix (6 249 € avec ABS), toujours imbattable...
De leur côté, les deux nouveautés présentent trop de lacunes pour prétendre au grade de vraies routières. Malgré son tarif le plus élevé (7 199 €), la Kawa décroche la médaille de bronze grâce à son carénage intégral. La Yam’, enfin, est trop juste pour un usage purement routier, côté confort et aspects pratiques.
Mais elle est, de loin, la plus jolie pour aller danser...

Avec la participation des deux François (Barrois et Moutou) et de Sébastien « Twix » Roux.

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