L’usage de stupéfiants, nouveau fléau de la sécurité routière ? On y pense, en lisant le communiqué de presse diffusé par la direction de la Sécurité routière, du ministère de l’Intérieur, le 21 octobre :

« Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017 a prévu, pour améliorer le dépistage de l’usage de stupéfiants parmi les usagers de la route, l’expérimentation d’une nouvelle technique de prélèvement salivaire par les forces de l’ordre sur le bord des routes », est-il écrit.

Une expérimentation durant six mois va être menée, dans dix départements français (*), pour « remplacer l’actuel prélèvement sanguin par un second prélèvement salivaire de contrôle, effectué immédiatement par les forces de l’ordre ».

Actuellement, la recherche de stupéfiant chez un conducteur relève « d’un protocole long et coûteux », d’après le ministère. D’abord un premier test salivaire est réalisé par les forces de l’ordre ; en cas de dépistage positif, le conducteur est présenté devant un médecin qui effectue un prélèvement sanguin destiné à confirmer le résultat du test ; enfin, le prélèvement sanguin est envoyé en laboratoire aux fins de recherches et de résultats.

Second test salivaire
Le second test salivaire, celui qui entre en phase d’expérimentation, permettra d’aller plus vite, puisqu’il sera réalisé par les forces de l’ordre directement. Plus besoin d’un médecin… L’association 40 Millions d’Automobilistes se félicite de cette innovation : « La mise en œuvre de ce nouveau « deuxième test salivaire » viendra faciliter le travail de prévention de la police et de la gendarmerie et leur permettra de pratiquer davantage de dépistages », commente-elle.

Est-ce bien nécessaire ?
Mais tout cela est-il bien nécessaire ? Entendons-nous bien : nous ne remettons pas en cause le principe fondamental, qui veut que conduire sous l’emprise d’une quelconque drogue, alcool compris, est dangereux. Dans ce contexte, il est logique de punir les contrevenants.

En revanche, il reste difficile, malgré ce nouveau test, de prouver que la drogue est la cause directe d’un accident de la circulation. Si l’on s’en tient aux chiffres, d’après l’Observatoire national de sécurité routière (ONISR), en 2012, 531 personnes ont été tuées dans un accident avec un conducteur ayant un test positif, tous véhicules confondus.

Tests imprécis
Cette année-là, il y a eu 3.653 décès sur les routes de France. Et rien ne prouve que la détection du produit dans le sang des personnes impliquées soit à l’origine de troubles comportementaux ayant pour conséquence l’accident. Les tests ne permettent pas de dater avec précision la prise de la drogue, contrairement à l’alcool. Difficile, d’autre part, de créer un test universel pour toutes les substances : la drogue, c’est le cannabis, mais aussi la cocaïne, l’héroïne… des molécules différentes.

Moins de moyens humains
Par ailleurs, le problème dans le contrôle des stupéfiants, comme de l’alcool, ce ne sont pas les tests en eux-mêmes, mais la disponibilité des policiers et gendarmes pour les réaliser. On le sait, les effectifs de fonctionnaires sont tributaires des économies à réaliser pour réduire le déficit de l’Etat. Il y en a moins sur le bord des routes, donc moins de contrôles…

Mission « drogue »
La Sécurité Routière connaît tous ces paramètres, mais communique sur ce nouveau test, pour au moins deux raisons : cela montre qu’on travaille dans les ministères, et qu’on trouve des solutions pour une « grande cause nationale » ; ainsi, sur le communiqué est mis en avant le logo de la Mild&Ca, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, qui dispose même d’un site internet (Drogues.gouv.fr). A-t-on vu du nouveau dans la lutte contre la drogue, en France ces derniers mois ? Au moins cette commission aura-t-elle eu une utilité : ce second test salivaire.

Peur du gendarme
Mais ce communiqué, largement repris sans aucune forme de lecture critique par une presse grand public qui ne demande qu’à combler le grand vide de l’info par du sensationnel (la drogue, l’accident de la route, ça effraie), permet également de générer la fameuse « peur du gendarme », un paramètre qui permet de maintenir les conducteurs dans une certaine méfiance quand ils démarrent leur véhicule. C’est toujours ça de pris, peu de temps avant des jours fériés et des vacances…

Répression
Une stratégie de court terme, purement répressive, que dénonce la Fédération française des motards en colère (FFMC) : « sur l’alcool et les drogues, c’est clair : pas au volant, ni au guidon », confirme Eric Thiollier, son délégué général. « En revanche, nous préférons que la Sécurité routière s’applique à un travail de prévention ». Notamment en direction des populations les plus sensibles, comme les jeunes de 18 à 25 ans. En 2012, 753 d’entre eux sont décédés sur les routes de France. Cette problématique de la prévention et de la responsabilisation, ce n’est pas un simple second test salivaire qui va permettre de la résoudre.

* L’expérimentation va être menée, pendant six mois à partir du 1er décembre 2014, dans les départements des Alpes-Maritimes (06), de la Dordogne (24), de la Gironde (33), de l’Ille-et-Vilaine (35), de la Loire-Atlantique (44), de la Moselle (57), du Nord (59), de la Haute-Savoie (74), des Yvelines (78) et de Paris (75).

A lire : Conduite moto : le dépistage des stupéfiants

-C’est le moment de soutenir les motards en colère, pour mieux vous défendre portez les gooddies de la FFMC

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