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Le délégué interministériel à la Sécurité Routière, Emmanuel Barbe, nous a accordé un long entretien, le 3 novembre. Un mois après le Comité interministériel de sécurité routière (CISR) du 2 octobre, il revient sur les mesures annoncées par Manuel Valls qui concernent la moto.

Nous publions maintenant la partie de l’entretien qui concerne le contrôle technique moto et scooter, qui sera obligatoire lors de la revente d’un véhicule.

Premiers enseignements :
- malgré la mobilisation monstre des motards du 10 octobre derrière la FFMC, le Monsieur Sécurité Routière du gouvernement défend mordicus son projet ;
- il faudra deux ans pour en définir le contenu ;
- l’objectif du délégué est que ce contrôle coûte entre 50 et 70 euros ;
- en fin d’échange, Emmanuel Barbe a mentionné le port de l’airbag moto. Qui a failli être rendu obligatoire…

Le gouvernement a annoncé l’arrivée d’un contrôle technique moto. Pour quelle raison ?
Nous avons décidé de limiter ce contrôle technique aux deux-roues motorisés (2RM) qui sont revendus. Il ne s’agit pas de faire subir un contrôle à tous les véhicules. Il concernera toutes les cylindrées à partir de 50 cm3. Nous partageons l’analyse que les motards entretiennent correctement leur engin. En revanche, au niveau de la revente, il s’agit d’un axe de sécurisation et de protection du consommateur.

Protection du consommateur… Au gouvernement, le ministère de l’Économie a besoin de la Sécurité routière pour protéger le consommateur ?
C’est une mesure de sécurité routière pour le consommateur qui va acheter une moto. Cette mesure s’appliquera au vendeur de la moto. L’acheteur disposera de ce contrôle, et pourra déterminer en fonction de la vérification des éléments de sécurité s’il achète ou non le véhicule.

L’acheteur ne risquera pas, par ignorance, de circuler sur une mauvaise machine. La vie du consommateur motard m’importe. J’aime tellement les motards que je souhaite qu’ils restent en vie. Je roule moi-même en moto (en scooter Suzuki Burgman 650, ndlr). Ce CISR était interministériel, et nous avons reçu beaucoup d’enthousiasme de tous les ministres. La mesure est portée par le ministère des Transports avec l’aval de la Sécurité routière. L’objectif reste qu’elle ne soit pas disproportionnée.

Il y a un gros travail à mener pour en définir les modalités, qui prendra sans doute deux ans.

La FFMC et l’association européenne des constructeurs de moto ACEM ont expliqué que le contrôle technique n’aurait qu’un faible impact sur les accidents de moto (*). Pourquoi persévérer, après le report par l’Europe à 2022 d’un contrôle technique moto généralisé ?
Je m’inscris en faux sur ce point. Dans nos bases d’accidents, dans 6 % des morts à moto on peut déterminer directement une cause technique. Et la plupart du temps, un éventuel défaut technique n’est pas relevé par les policiers ou gendarmes lorsque survient un accident mortel.

Le contrôle portera également sur les cyclomoteurs, catégorie dans laquelle le risque d’avoir un débridage effréné est grand et engendre des dangers très forts.

Il existe déjà un contrôle technique pour les voitures, qui ont quatre roues et une carrosserie. Personne n’en conteste la légitimité. Il permet de vérifier les éléments de sécurité sur le véhicule.

Qu’est-ce qui vous a freiné à l’imposer à toutes les motos ? La crainte d’une réaction des motards ?
J’aurais pu le faire. J’ai écouté la FFMC et on a accepté l’idée qu’un motard aime sa moto et l’entretient bien. Le contrôle technique 2-roues représente une mesure de bon sens. Les policiers et gendarmes, avec lesquels j’ai discuté, affirment que c’est une bonne mesure. Il s’agit de vérifier des éléments de sécurité élémentaires de freinage, de suspension, de pneumatiques et d’éclairage.

Il faut dédramatiser cette mesure qui relève du simple bon sens, sur laquelle il n’y a pas besoin d’avoir un grand combat. J’ai du mal à comprendre que l’on proteste contre cela. J’ai consulté des catalogues d’accessoires de moto, le moindre autocollant coûte le prix du contrôle technique que nous allons mettre en place. Il faut désamorcer toute polémique à ce sujet. C’est une mesure saine.

Quand on en parle à des conducteurs, la plupart des temps ils répondent par la surprise : « comment, cela n’existe pas déjà ? » Ce contrôle technique servira à assainir le marché de la moto d’occasion et du cyclomoteur.

Vous dites que le contrôle technique automobile est accepté. Or plus de 50.000 motards, qui sont aussi automobilistes ont manifesté leur opposition le 10 octobre 2015. Que leur répondez-vous ?
Le droit de manifester, pacifiquement comme cela a été fait, je l’accepte, comme le fait que des motards ne soient pas d’accord.

Je tiens juste à dire qu’il s’agit d’un contrôle technique à la revente dont le montant sera modéré. Il ne faut pas exagérer ! Une moto coûte assez cher, et si la visite se situe entre 50 et 70 euros, l’atteinte au pouvoir d’achat ne sera pas énorme.

Mais attendons d’en savoir plus sur le projet et on pourra discuter. Dans la plupart des cas, le contrôle technique sera une formalité et si on trouve quelque chose de grave, ce sera au bénéfice de l’acheteur.

Nous prenons le prix des produits en compte ! Regardez le gilet airbag, nous ne l’imposons pas car il est trop trop cher…

Vous voulez dire que vous avez envisagé de rendre obligatoire, dès ce CISR, le port du gilet airbag à moto ?
Bien sûr. Quand vous voyez les paraplégiques à cause d’un accident de moto, quand vous vous occupez de sécurité routière, vous vous dites que ça serait bien de pouvoir rendre l’airbag moto obligatoire. J’en ai là aussi discuté avec les policiers et gendarmes, qui ne pourraient plus rouler à moto sans leur airbag. Mais un tel produit vaut 400 euros, on ne peut pas l’imposer. Cependant, sa commercialisation se développe, et on attend que le prix baisse.

* Le rapport MAIDS (Motorcycle Accident In Depth Study), publié en 2005 après une étude approfondie de près de 1.000 accidents de 2RM dans 5 pays d’Europe, a établi que seul 0,7 % de ces accidents avaient été directement causés par une défaillance technique du véhicule.
En 2007, le Conseil général des Ponts et Chaussées reconnaissait, dans un rapport officiel sur le contrôle technique des 2RM, qu’il était « difficile d’établir une corrélation entre l’état du véhicule et la survenance des accidents ».

Retrouvez les 3 autres parties de l’interview d’Emmanuel Barbe

- Port des gants, l’obligation indolore ?
- Le délégué Sécurité routière veut « faire entrer la moto dans une culture de sécurité »
- « Depuis 40 ans on n’a pris aucune mesure pour protéger les motards »

La FFMC s’oppose au contrôle technique


- Les arguments des motards en colère sur le site Stopcontroletechnique2RM.fr
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