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Même garées sans gêner, comme ici dans le 8e arrondissement, les motos sont victimes du zèle des forces de l’ordre. Pourtant, les parking dédiés aux 2 roues ne sont pas assez nombreux pour que toutes puissent s’y garer.

On en est encore abasourdi : le nombre de procès-verbaux dressés contre les deux-roues motorisés stationnés dans la capitale a augmenté de 230 % entre 2003 et 2004. Les chiffres sont sûrs, puisqu’ils émanent de la Préfecture de Police de Paris : 9 387 PV ont été dressés contre des deux-roues à cause du stationnement en 2003, et leur nombre a grimpé à... 31 001 en 2004 ! En 2002, il n’y avait eu "que" 3 552 deux-roues verbalisés...

Politique anti-2 roues à moteur ?

Ces données confirment ce que l’on craignait, à force de recevoir à la rédaction des lettres de conducteurs scandalisés : ni la mairie, qui ne construit pas assez vite ses emplacements de stationnements dédiés, ni la Préfecture de Police de Paris n’ont envie de donner raison à tous les pragmatiques qui choisissent ce mode de transport pour échapper aux incessants bouchons empoisonnant la capitale. Côté mairie, on plaide pour le vélo et les transports en commun. Il faudrait peut être que les élus le comprennent, ceux qui circulent dans Paris ne sont pas seulement Parisiens. Et, parcourir des kilomètres en vélo, depuis la banlieue, ou attendre vingt minutes un RER dans le froid, n’est pas toujours un sort très enviable.

En attendant, côté Préf’ on verbalise, et le Trésor Public encaisse le fruit des amendes...

Pas les seuls visés.

Sur le trottoir les motos du magasin « Doc Biker », Bd Magenta, ne gênent pas plus que l’exposition de vêtements du magasin d’à côté. Cela n’a pas empéché les forces de l’ordre de dresser des P.V. trois fois de suite.

Que les propriétaires de deux-roues se rassurent, ils ne sont pas les seuls visés : « Il n’y a pas de consigne particulière pour verbaliser les motos », insiste Serge Mounier, commissaire principal dans le 10e arrondissement. « Le nombre de voitures verbalisées à cause du stationnement a aussi considérablement augmenté. La volonté politique est de réduire la circulation des véhicules à moteur dans Paris. Les agents de police sont les instruments de cette politique ».

Avec, parfois, des méthodes disproportionnées. Dans le 10e arrondissement, quartier central de Paris, la Ville procède au réaménagement d’une artère importante, le boulevard Magenta qui relie la place de la République au métro Barbès. Objectif, réduire à deux files la circulation automobile, et agrandir les voies de bus, la piste cyclable et les trottoirs. Les ingénieurs y ont prévu des stationnements pour les vélos, mais pas un seul emplacement pour les autres 2 roues !

Pire, au début des travaux en septembre dernier, des agents ont tout simplement verbalisé les 2 roues qui attendaient d’être réparés devant l’atelier de réparation rapide Doc Biker. « On est là depuis 2000, » explique Lionel Boyaval, le gérant. « Même si je n’ai pas l’autorisation d’étalage, on a toujours garé les machines devant le magasin car je n’ai pas d’accès en arrière-cour. On fait attention à ne pas gêner les passants et jusqu’à présent, nous jouissions d’une certaine tolérance. Le maire du 10e nous l’a même confirmé dans un courrier en 2001. Pourtant, en septembre 2004, ils ont aligné les motos. Trois fois de suite ! Au commissariat, ils m’ont indiqué qu’ils avaient ordre de nettoyer le boulevard... »

Le commissaire Serge Mounier, qui n’était pas en poste à cette époque, explique cela différemment : « Certains commerçants utilisent la voie publique comme extension de leur magasin ». Problème : des motos, c’est difficile à stocker. Doc Biker et ses clients ne sont pas les seules victimes. En janvier dernier, Twity Motos, concessionnaire Kawasaki situé à quelques pas sur le trottoir d’en face, a lui aussi subi l’ire des forces de l’ordre : « Ce jour-là, ils ont aligné les machines de mes clients en attente de réparation, » déplore Thierry, le patron. « Or les bécanes, je ne les gare pas devant, sur le boulevard, mais dans la petite rue qui est derrière » (la rue Albert Thomas, ndlr) ! « Elles sont toutes alignées correctement, et ne prennent qu’un emplacement de livraison ». Là encore, la verbalisation fut soudaine, sans avertissement. « Il y a une politique anti-deux roues motorisés qui se développe à Paris », déplore Lionel Boyaval.

Ventes en hausse.

Paradoxalement, ces verbalisations interviennent alors que les ventes de motos et scooters ne se sont jamais aussi bien portées en Ile-de-France, preuve que ses habitants votent en masse pour ce moyen de transport des plus pratiques. En outre, il est sans doute plus écologique de réduire les embouteillages en favorisant les véhicules qui prennent moins de place sur la chaussée, que de les empêcher de rouler, incitant ainsi les gens à reprendre leur voiture. Les élus feraient bien d’écouter la vox populi plutôt que de camper sur des positions de principe qui, si elles sont louables, semblent bien éloignées de la réalité.

Nicolas Grumel

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