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Cette année, Ducati éclipse toutes les déclinaisons de sa Monster pour n’en laisser qu’une au catalogue. Si la décision est plutôt bien acceptée, ce n’est pas le cas de la moto en elle-même. Accusée de singer les roadsters japonais - en témoigne la disparition du cadre treillis -, l’accueil est tiède.

Mais ce serait trop vite oublier que le dernier Monstro est éligible au permis A2. Avec cette moto, Ducati propose une machine moderne, sensée être accessible à tout un chacun. Oublions donc les critiques des aficionados de la firme, et concentrons nous sur l’essentiel de cette présentation : dans sa version A2, la nouvelle Monster 950 est-elle une porte d’entrée pertinente à l’univers Ducati ?


Ducati Monster 950 A2 : ma première Ducati

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Victoires en superbike, bicylindre en L, embrayage à sec, cadre treillis tubulaire, 916, 900 Supersport... Voilà ce que m’évoque Ducati. Sans oublier la fameuse « mécanique capricieuse » soudée à la firme, alimentant moults critiques et plaisanteries à son égard.

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Malgré les idées reçues, et n’ayant roulé qu’une dizaine de moto depuis l’acquisition de mon permis A2, je ne suis pas effrayé par cette Ducati Monster 950. Et pour cause, la moto se dote de belles finitions et d’une ligne qui m’est familière : celle du roadster "à la japonaise". Enfin, avec son gros twin bridé à 47,5 ch, en quoi serait-elle si différente des Yamaha MT-07 et BMW F 900 R passées entre mes mains ?


Ducati Monster 950 A2 : une prise en main délicate

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Une fois le monstre en main, je règle la cartographie moteur sur "Urban" (je suis en ville) et me lance à son guidon. Les premières sensations sont inédites : une virilité émane du moteur, ça gronde, ça grogne, ça tape. J’ai le sentiment de piloter une machine vivante, organique.

La position de conduite basculée vers l’avant est surprenante pour un roadster, mais n’oublions pas qu’il s’agit de la version roadster naked (nu) de la 950 Supersport ! Si je m’en accommode rapidement, ce n’est pas le cas des commandes. La rigidité du levier d’embrayage se conjugue au placement peu ergonomique de certains boutons.

Après une heure de roulage, les habitudes s’installent. Toutefois, je continue de déplorer le placement du bouton warning. Placé très à gauche de la main droite, l’activer me fait lâcher l’accélérateur. Une action très délicate lors d’un ralentissement brutal ou d’une circulation en interfiles. De toute évidence, la solution la plus sûre est de solliciter sa main gauche...

Loin du pouce, le bouton warning aurait mérité une meilleure disposition

Mes quelques détours en ville m’ont permis d’apprécier une partie cycle d’exception. Légère (189 kg) et fine, la moto fait corps avec moi et se faufile partout avec aisance. Au feu rouge, la stabilité de la machine me permet de stationner sans toucher le sol. Le freinage quant à lui, fait figure de modèle du genre. Si j’ai parfois regretté un manque de mordant du frein arrière (il faut appuyer fort), l’ensemble du système Brembo offre un freinage vigoureux et sécurisant.

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J’attaque ensuite ma première virée en interfiles sur le périphérique parisien. À bas régime en 2ème (30km/h), le moteur chauffe et me cogne des à-coups. Surpris par ce manque de souplesse, je m’assure que le mode "Urban" est toujours bien actif... mais à chaque reprise, "Urban" ou pas, le moteur me hurle qu’il n’est pas calibré pour ce parcours. Plus tard, la chaleur s’intensifie au niveau des cuisses : le compteur m’indique une température moteur de 99°c. Ouch !


Ducati Monster 950 A2 : dompter le monstre en cycle urbain

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Si mon premier itinéraire en ville ne fut pas une partie de plaisir, j’ai mieux compris la machine après l’avoir pilotée de nouveau. Et chose étonnante, c’est le duo - tout à fait acceptable sur cette moto - qui m’a ouvert la voie vers les bonnes pratiques à son guidon. Ma conjointe étant peu à l’aise en passagère, j’ai du apprivoiser la souplesse limitée à bas régime pour ne pas brusquer ses gambettes.

En expérimentant plusieurs régimes moteurs, rapports et situations urbaines, la reprise en 1ère demeure le meilleur choix à allure lente. Mais pour plus de confort à vitesse soutenue (virages serrés, ronds points, changements de files), enclencher le 2ème rapport et systématiquement solliciter l’embrayage avant chaque filet de gaz change la donne : le monstre ronronne et reprend en douceur à n’importe quel régime. Une technique que je n’avais jamais appliquée jusqu’alors. Bel apprentissage que voilà !

Mais soyons clairs : dans l’ensemble, la Ducati Monster 950 n’est pas à l’aise en agglomération. Danse de l’embrayage ou pas, le moteur chauffe toujours aussi vite. Car moteur porteur oblige, le bicylindre en L est très (trop ?) proche des genoux, au point de me surprendre à m’aérer les jambes façon Jean-Claude Van Damme à l’arrêt... La consommation n’est également pas idéale, avec 180 km d’autonomie (7,7L/100) contre 250 km (5,6L/100) en mixte.

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Si la moto se débrouille en cycle urbain, son ADN sportif - même bridé A2 ! - témoigne d’une conception pour filer sur des voies plus rapides. Il est donc temps d’emmener le monstre en balade sur des routes à sa convenance...


Ducati Monster 950 A2 : hors agglomération, le monstre s’éveille

Avant de m’engager sur l’autoroute, je troque le mode "Urban" contre le mode "Sport". Sur la voie d’accélération, je passe mes rapports au shifter. En osmose avec le couple vigoureux du bicylindre italien et la précision de la boite de vitesse, il est d’une redoutable efficacité : gaz maintenus, les vitesses s’enchainent à la volée, sans aucune friction. Le couple est constant, l’allonge est remarquable, le monstre prend les tours jusqu’à 8000 tr/min sans tortiller.

À 130 km/h en 6ème, la moto demeure stable et vive. Moto nue oblige, j’encaisse le vent de plein fouet mais la moto ne bouge pas d’un iota. Je suis alors tête et épaules voutées, tel un Valentino Rossi lidle. Le plaisir est immense, et je découvre la vraie nature de cette moto.

À l’approche d’un dépassement, je tombe un rapport et prépare mon contre-braquage. Accroché à la poignée de gaz, la moto se penche aisément d’une pression de genou. Le moteur vrombit et regagne sa cadence sans accrocs. Concentré, je ne décroche pas de la route, enivré par des sensations grisantes. À chaque reprise, la moto me hurle des "c’est ça que je voulais depuis le début mon gars !".

En m’engageant vers une sortie, puis en bifurquant vers une départementale de campagne, je constate que le freinage conserve une efficacité à toute épreuve. Facilement dosables, les freins délivrent une marge de manœuvre précise, à la main comme au pied.

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J’opte ensuite pour le mode "Touring", sensé convenir aux balades. Le couple - toujours aussi confortable et progressif à la poignée - est effectivement moins présent dans les tours, et la machine semble moins hargneuse. La partie cycle, déjà très efficace à tous les niveaux, brille sur ce type de route. Chaussée par des pneus Diablo Rosso III (pneus routes sportifs), la moto m’offre une tenue de route formidable, couplée à des trajectoires d’une précision chirurgicale. Agile, la moto enchaine les virages sans difficulté, me laissant présager ses compétences sur piste (!).

Après quelques heures à rouler sur le réseau secondaire - et appréciant les conséquences positives d’un confort acceptable -, j’ai la sensation d’avoir participé à un stage sportif "découverte permis A2" à bord d’une Ducati. Et je saisis d’autant plus pourquoi elle me donnait tant de fil à retordre en ville !


Ducati Monster 950 A2 : les modes de jeux

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La Ducati Monster 950 est équipée d’une centrale inertielle IMU (Inertial Measurement Unit) offrant une multitude de réglages : ABS, contrôle de traction, launch control... Loin d’être un spécialiste, je me suis naturellement orienté vers les options utiles au quotidien, à savoir la personnalisation des cartographies moteur.

Celles-ci permettent de jongler à loisir entre trois modes : Urban (Urbain) pour la ville, Touring (balade) pour le réseau secondaire et Sport pour les voies rapides et la piste. Ceux-ci sont également paramétrables en couple (smooth (doux) / dynamic) et puissance (reduced (réduite) / full (plein)).

Les nombreux réglages offrent pléthores d’ajustements pour la moto

N’y voyant pas d’intérêt au premier abord, j’ai rapidement retourné ma vieille veste Dainese, car chaque mode modifie radicalement le comportement moteur. De fait, il permet de changer de moto selon l’humeur ou l’environnement traversé. Et pour tout avouer, je me suis régalé à configurer chaque mode selon mes trajets.

- Le mode Urban place tout le couple à bas régime et limite la puissance. Entièrement paramétrable (puissance et arrivée de couple), il offre plus de souplesse en ville. Le meilleur compromis identifié est de régler la puissance sur full, et de caler le couple sur smooth. Cet ajustement favorise la douceur d’arrivée de couple, tout en gardant de quoi faire sous la poignée si la situation l’exige.

- Le mode Touring favorise les balades sur nationales et départementales. À l’instar du mode Urban, le couple est essentiellement à bas régime, mais il s’équilibre d’avantage dans les tours. Selon la difficulté du parcours, le réglage du couple (smooth/dynamic) améliore le confort de conduite dans les virages.

- Enfin, le mode sport étend avec homogénéité couple et puissance sur toute la plage de tours/minutes. Il permet une allonge remarquable et multiplie les performances. De toute évidence, c’est avec ce mode que la Monster dévoile tout son caractère sur les voies les plus rapides.

Si j’ai apprécié ces options aux faux airs de réglages vidéoludiques, je déplore l’ergonomie du menu. J’ai beau être branché technologies, jeux vidéos et tutti quanti, il m’a fallu un moment pour m’y faire. Il faut rester appuyer sur le même bouton pour changer de mode, appuyer brièvement sur celui-ci pour configurer chaque mode, utiliser la flèche du haut et sélectionner l’onglet "back" pour revenir à chaque sous-menu... puis maintenir la flèche pour accéder aux compteurs journaliers et autres informations utiles (consommation, kilométrage total etc.).

Au regard des paramétrages offerts, l’interface aurait méritée d’être peaufinée, quitte à placer une croix directionnelle et un bouton supplémentaire.


Ducati Monster 950 A2 : le verdict

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Dans sa configuration A2, la Ducati Monster 950 sonne comme une synthèse entre le "roadster A2" à la japonaise et l’exigence sportive caractérisant Ducati. Pas toujours évidente à appréhender pour un jeune permis, cette machine m’a néanmoins offert une belle expérience de pilotage, entre sportivité et apprentissage. Et lorsque le monstre prend vie sur le réseau secondaire, les qualités et sensations sont telles que l’on s’imagine aller tâter le circuit à son bord.

De part son caractère rugueux et sportif, elle est de fait bien différente des MT-07 et autres Z650. C’est une moto vivante, attachante, orientée sport et plaisir. Le prix d’une polyvalence limitée ?


Ducati Monster 950 A2 : l’avis de Philippe Guillaume

L’avis du vieux, c’est d’abord de se souvenir de la première "Mostro", comme on l’appelait à l’époque, notamment la première année de sa commercialisation, avant que son nom ne s’anglicise. 900 cm3, 73 chevaux, un caractère "gros comme ça" et un vrai plaisir de conduire. Une certaine rigueur, aussi, parfois assimilée à de la raideur, mais c’était ça l’identité des Ducati de l’époque. J’ai par la suite pu conduire et apprécier quasiment toutes les évolutions du Monster, et je garde un souvenir ému des S4RS, ça, c’était de la bécane qui ne se livre pas au premier venu.

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Aussi, quand j’entends nos jeunes petits lapins dire qu’elle est un peu raide, ça fait résonner en moins le poids de l’expérience face à la fraicheur de la découverte. Certes, ils sont habitués à des CB 500, et la nouvelle Monster demande un peu plus d’implication à tous les niveaux. Elle se mérite un peu plus, elle n’est peut-être donc pas si indiquée par un débutant qui demande d’abord à sa moto de la rassurer. Par contre, le poids réduit la rend d’une facilité étonnante à placer en virage, le bridage est carrément bien fait avec un bon sentiment d’allonge sur les premiers rapports, où le twin ne rechigne pas à aller prendre 9000 tr/min. Et comme les jeunes, je regrette les dégagements de chaleur du bicylindre en ville, qui frôlent l’insupportable...

Mais la Monster 2021, j’en veux bien une, merci !

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Fiche technique

Ducati Monster 2021 A2 2021 - Fiche technique

(données constructeur)

Moteur
- Type : Bicylindre en L à 90°, refroidissement liquide, 4T, 2 ACT, 4 soupapes par cylindre
- Cylindrée (al. x cse) : 937 cc (94 x 67.5 mm)
- Puissance maxi : 47,5 ch (A2) / 95 ch à 9 250 tr/min (full) /
- Couple maxi : NC (A2) / 9,50 mkg (93 Nm) à 6 500 tr/min (full)
- Alim. / dépollution : injection / Euro 5

Transmission
- Boîte de vitesses à 6 rapports (shifter de série)
- Transmission par chaîne

Partie-cycle
- Frein Av (étrier à x pist.) : 2 disques Ø 320mm, étriers Brembo monoblocs 4 pistons
- Frein Ar (étrier à x pist.) : 1 disque Ø 245 mm, étrier 2 pistons
- Pneu Av - pneu Ar : 120/70-17 - 180/55-17
- Réservoir (réserve) : 14 litres
- Poids annoncé : 188 kg (tous pleins faits)
- Hauteur de selle : 820 mm

Pratique
- Coloris : rouge, gris, noir
- Garantie : 2 ans
- Prix : 11 290 €

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